ROMANCE

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un film de Catherine Breillat1999

"C'est moi qui le trompe mais c'est moi qui suis jalouse, parce qu'en fait, c'est lui qui ne veut plus faire l'amour avec moi. Ca fait six mois qu'on est ensemble. Il dit que c'est normal, que c'est une question d'appétence sexuelle. Mais moi je sais qu'en fait il n'aime pas les femmes. Il n'aime que ses copains."

Images du film

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REVUE DE PRESSE

Une Certaine Idée du Cinéma
"Burning like ice", Le Cinéma de Catherine Breillat

Romance, une "œuvre au blanc" où Marie s'engage et se livre éperdument corps et âme dans la quête sensuelle et mystique d'un amour physique et romantique. Un film radical, ample, glacé et brûlant qui confirme que Catherine Breillat est une grande cinéaste.

Entretien avec Catherine Breillat au sujet de Romance

Une des scènes les plus marquantes de Romance est la scène du rêve, ou du fantasme, qui montre Marie coupée […]

LA DEPECHE
CATHERINE BREILLAT : "LE JOLI EST AFFREUX"

La cinéaste sera demain vendredi et samedi au Festival Zoom Arrière de Toulouse où elle viendra discuter censure et interdits et présenter trois de ses films.

LE MONDE INTERACTIF
Trois questions à Catherine Breillat

La réalisatrice Catherine Breillat, dont le dernier film, A ma sœur !, est en salles depuis le 7 mars, répond aux questions du "Monde interactif" sur les rapports entre cinéma, Internet et caméra numérique.

nytimes.com
Sex and Power: The Provocative Explorations of Catherine Breillat

The work of Catherine Breillat, the French filmmaker and novelist whose movies frequently explore the perversity animating male-female power dynamics in Western society, has always been fearlessly pertinent. These days, as more and more revelations about the sexual predations of high-profile men come to light, they may even be more pertinent.

Une Certaine Idée du Cinéma

"Burning like ice", Le Cinéma de Catherine Breillat

Depuis la parution de son premier livre L'homme facile en 1968, un roman libertin (interdit aux moins de dix-huit ans) qui a fait sensation par la hardiesse du sujet et la crudité du vocabulaire, Catherine Breillat mène une démarche parallèle d'écrivain, cinéaste et scénariste. De 1968 à 1975, elle publie trois romans et une pièce de théâtre en alexandrins Les Vêtements de mer (1971). Elle écrit de nombreux scénarii en collaboration avec divers cinéastes, Liliana Cavani (La Peau), Federico Fellini (E la nove va), Maurice Pialat (Police), Chrisstine Pascal (Zanzibar).Elle réalise son premier film Une vraie jeune fille en 1976 d'après son roman Le Soupirail (1974). Une première œuvre tournée avec très peu de moyens, un film à la première personne, d'une grande singularité, affrontant la question de la représentation du sexe à l'image sans détour ni afféterie. Un point de vue personnel sensuel, violent et rageur sur l'effroi d'une adolescente découvrant son corps et l'abîme du sexe. Un film libre, novateur et expérimental proche du cinéma underground américain.En 1979, elle met en scène Tapage nocturne d'après son roman éponyme. Un film cru, d'une grande beauté lunaire, un film-sexe où se succèdent des scènes scalpels de rapports charnels, une histoire d'amour et de désir à l'état brut, l'histoire de la passion implacable et destructrice d'une jeune femme, Solange, interprétée par Dominique Laffin, à qui Catherine Breillat offre son plus beau rôle. Le film est interdit aux moins de dix-huit ans et connaît un échec commercial qui éloigne la cinéaste des plateaux de tournage.Il lui faudra attendre huit ans, une dépense d'énergie et une volonté sans faille pour qu'elle puisse tourner un nouveau film en 1987, 36 Fillette, non sans avoir dû en faire un roman pour convaincre les membres de la commission d'avances sur recettes effrayés par l'audace du sujet : la quête sexuelle hard d'une adolescente de quatorze ans, sa recherche de l'homme, mue par une unique obsession le dépucelage. Un film éprouvant et somptueux où les deux comédiens principaux Delphine Zentout (Lili, butée et désemparée) et Etienne Chicot (très physique en macho un peu ridicule) sont remarquables.En 1991, elle réalise Sale comme un ange où elle affronte le film de genre : le polar. Catherine Breillat déjoue à merveille cet univers noir et glauque faisant du film une épreuve de vérité impitoyable, cruelle et lucide sur la question du désir charnel, sur la brutalité du désir même. L'histoire d'une puritaine froide et fade Barbara (Lio formidable) que le désir d'un homme dur et fatigué, le flic Georges Deblache (Claude Brasseur, obstiné et vieilli), transfigure. Le désir, le plaisir et la culpabilité inhérente sublimisent cette femme, la mène à un abandon d'elle-même quasi métaphysique. Extraordinaire moment que la "scène du canapé", long plan-séquence où la caméra traque sur les visages du couple expressions, gestes, hésitations... Un plan miraculeux qui enregistre le moment de l'abandon physique du corps et de l'âme d'une femme au désir d'un homme, femme qui néanmoins ne cède rien et garde farouchement sa liberté.

1996 voit la sortie de Parfait amour le grand film romantique et moment fatal de cinéma. Une œuvre rigoureuse qui filme le temps. Le temps de l'amour et du désamour. Catherine Breillat filme l'amour et la mort au travail dans un condensé de vie où l'opposition des désirs, la différence de leur nature conduit Frédérique (Isabelle Renauld, sensuelle et dure, dominatrice) et Chris (Francis Renaud, immature, flambeur et frimeur) vers une fin tragique, comme s'il fallait payer de vouloir un amour plus fort que le sexe. Depuis plusieurs années la cinéaste (dont l'admiration pour le film de Nagisa Oshima, L'Empire des sens, est grande) rêvait de tourner un film s'affrontant à la représentation frontale de l'amour physique. C'est chose faite et de main de maître avec Romance, une "œuvre au blanc" où Marie (Caroline Ducey, sublime en ange blanc/noir) s'engage et se livre éperdument corps et âme dans la quête sensuelle et mystique d'un amour physique et romantique. Un film radical, ample, glacé et brûlant qui confirme que Catherine Breillat est une grande cinéaste.

Portrait de Jacques DENIEL
Article paru à l'occasion du Festival du film de Rotterdam de 1999

Entretien avec Catherine Breillat au sujet de Romance

Une des scènes les plus marquantes de Romance est la scène du rêve, ou du fantasme, qui montre Marie coupée en deux, d’un côté le sexe, de l’autre les sentiments. Ça résume la condition du person­nage de Marie ?
Ça résume le personnage de Marie, et pour moi ça résume aussi beaucoup d’autres vies de femmes, et beaucoup d’autres person­nages de femmes. La femme coupée en deux, c’est aussi le sujet de Belle de jour, qui est inspiré par La Dame de pique, un roman russe que j’avais lu quand j’étais petite. C’est une chose que je ressentais très fortement, et je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas. Marie est consciente d’être coupée en deux, elle sait que son corps est d’un côté et son âme de l’autre. Elle est lucide, mais elle n’est pas encore incarnée. Ce n’est qu’à la fin du film qu’elle s’incarne en une femme dont le corps et l’âme ne sont plus séparés. La naissance qu’on voit est symboliquement la sienne. 

La voix off de Marie souligne l’étrangeté de son morcellement, comme si elle était à la fois très proche d’elle-même et absente à ce qui lui arrive...
La voix off fait le passage entre les deux parties de ce corps coupé en deux. Mais pour moi, ce n’est plus une voix off, c’est la voix intérieure de Marie, l’expression de son état profond. Cette voix intérieure a d’ailleurs été enregistrée principalement après les prises, sous le coup de l’émotion, et je tenais

beaucoup à cette vérité. Un tournage, c’est comme une commotion cérébrale, il y a un danger, et ça change la voix. Marie sait les choses, mais elle ne les sait que sous l’emprise d’une émotion, elle ne se les formule qu’à ce moment-là et c’est comme ça qu’elle va avancer sur son chemin vers elle-même.

 

Dans la scène du rêve, le sexe est bestial, infernal, mais, au fond, ce sont plutôt les sentiments qui font de la vie de Marie un enfer...
Oui, et pourtant je n avais pas écrit le film comme ça. J’ai été très étonnée, quand je me suis retrouvée au montage devant un premier bout-à-bout, de voir que j’avais tout inversé pendant le tournage : la romance était soudain ce qui aliénait et abaissait le plus Marie ; et les choses très sexuelles du scénario, qui devaient montrer sa déchéance même si je voulais évidemment que mon actrice ne soit pas avilie, la magnifiaient. C’était comme une expérience chimique ou alchimique, comme quand Marie Curie a découvert le radium. J’ai compris qu’on nous cache totalement que le sexe n’abîme absolument pas, et que c’est au contraire une épreuve initiatique qui vous permet d’accéder à quelque chose de vous-même, comme une voie royale. A condition bien sûr de savoir accéder à cette transformation, et de ne pas sombrer dans des perversités répétitives qui, elles, sont assez lamentables. Marie plonge dans un gouffre pour faire un chemin de lumière.

 

Elle fait cette expérience de façon radicale, sans peur. Qu’est-ce qui lui donne le pouvoir de s’abandonner ainsi ?
Le fait de connaître la transgression. J’ai tourné dans mes films pas mal de scènes d’amour très «scabreuses», mais à chaque fois, j’avais besoin de tirer les moments les plus hard vers une sorte de pureté. Cette pureté, on ne la trouve qu’avec les femmes, parce qu’elles connaissent la transgression justement, elles savent passer par ce qui vous abîme le plus pour atteindre ce qui vous magnifie le plus. Trouver ça avec une femme, une actrice, ça a pour moi un sens très profond sur l’obscénité des femmes qui obsède le monde puisque toutes les sociétés, religieuses et même laïques, reposent sur un moralisme qui suppose que les femmes ont quelque chose qu’il faut leur interdire, une obscénité supposée. Le sexe, qu on nous présente toujours comme un mode d’avilissement, est simplement le passage du tabou, et que si on a la force de passer par là, on arrive à quelque chose qui nous donne une majesté. L’obscénité fait partie du chemin rayonnant du désir et de l’amour. On voit bien que Caroline, à un moment donné, est comme les saints entourés d’une aura, elle est en majesté, avec une lumière qui émane d’elle. Elle est rayonnante.

Mais pourquoi aime-t-elle Paul, ce garçon qui ne la «baise pas» ?

Parce qu’elle partage l’idée de tout le monde sur les femmes. L’idée que le désir qu’elles inspirent aux hommes est une obscénité. A partir du moment où Paul aime Marie, il veut rejeter cette attraction, ce sentiment d’obscénité, de mépris, et malheureuse­ment, il rejette du même coup aussi son désir pour Marie. C’est très logique.

Paul représente l’intellectuel ?
Il représente l’esprit contre la chair parce qu’il représente le monde masculin. Un monde qui a inventé le clivage, qui ne comprend les choses que partagées entre le bien et le mal, la culpabilité et l’innocence, le noir et le blanc, les bons et les méchants... Je pense au contraire que dans toute chose il y a son inverse, et c’est le cinéma qui m’a fait comprendre cela: à chaque moment, on peut filmer une chose et son inverse absolu. A partir de là, notre vision se transforme, on comprend que le désir d’obscénité, c’est un désir de pureté. Au lieu de ça, Paul renvoie à Marie l’image de la femme qu’on met sur un piédestal et qui devient la Vierge. Ce que font très souvent les hommes, qui dissocient énormément leur femme, la mère de leurs enfants, et les autres femmes, leurs maîtresses. Il n’y a qu’au moment fusionnel de la rencontre amoureuse que les hommes parviennent à mettre ensemble le désir et l’amour courtois. Dans une relation de durée, l’amour courtois existe, on voit bien que les hommes nous aiment, mais ils nous aiment comme si on était mortes, comme une image à laquelle on rend un culte. Charnellement, ils nous détestent.

Avec le personnage de François Berléand, vous montrez cependant un homme qui est en possession de la jouissance de la femme...
Oui, mais cet homme est en possession de la jouissance de la femme au détriment de la sienne. Il est comme un passeur. Il amène Marie vers autre chose parce qu’il connaît les femmes, et son plaisir, c’est d’être cet initiateur. C’est un plaisir de maître.

L’amant parfait, ce serait donc le personnage qu’interprète Rocco Siffredi ?
Rocco est dans mon film comme il est dans la vie, je crois. C’est quelqu’un de formidable, un homme comme les autres hommes devraient être. Parce que c’est un homme qui n’a pas peur de se dire qu’il n’est pas un homme, il sait que bander n’est pas un problème pour lui, et comme il n’a pas peur de ça, il n’a pas besoin de dominer bêtement la femme. La scène où il est au lit avec Caroline a été très difficile à tourner, parce qu’ils n’avaient pas le même langage, c’était deux mondes difficiles à réunir, chacun se sentait mutilé. Rocco m’a dit: «Je ne suis jamais allé avec quelqu’un qui ne m’aime pas, parce que même dans les films pornos,je cherche le vrai». Et c’est juste, en effet. Dans la relation sexuelle, Rocco cherche un éblouissement, un sentiment très métaphysique, la même chose au fond que ce que le personnage de François Berléand fait passer à Caroline. Pas la petite satisfaction d’avoir baisé une femme, mais quelque chose de fondamental : avoir cherché une fusion dans laquelle on se perd.

En tournant avec Rocco Siffredi, une star du porno, vous transgressez les barrières entre cinéma X et cinéma d’auteur, ce qui est un exercice périlleux...
J’ai caché à toute l’équipe que j’avais choisi Rocco jusqu’à la veille de son arrivée, parce que les gens ont des a priori et s’ils avaient su ça avant de commencer le film, ils auraient pensé que j’allais vraiment faire un film porno et personne n’aurait voulu se commettre dans un tel projet, y compris mes techniciens. La seule qui est absolument délicieuse, c’est ma monteuse, Agnès Guillemot. Elle est pourtant très catholique, mais en un sens je suis très puritaine, donc on se retrouve très bien. Rocco pour elle, c’est un ange. Et c’est vrai que peu d’hommes ont sa tendresse et ce respect quand il s’agit d’arriver à baiser une femme. Mais pendant le tournage de la scène entre lui et Caroline, l’ingénieur du son sortait de sa cabine pour m’expliquer en hurlant que ce n’était pas du cinéma. Il faut dépasser les tabous, mais les gens ne te laissent même pas faire les choses, ils t’enfoncent dans le tabou, là où ils s’arrêtent, là où c’est moche, et ils ne te laissent pas passer là où c’est beau. Moi-même je le sens ce poids du tabou, et arriver à le transgresser était dur pour moi aussi. Ce film était une épreuve comme jamais je n’en ai traversée, et si je n’avais pas eu Caroline, mais une actrice pour qui ça aurait été un viol permanent de jouer Marie, je ne sais pas si j’aurais eu la force de faire ce film. On a tourné Romance en sachant que c’était le film de tous les dangers, mais avec une force qui nous soutenait l’une et l’autre. Je savais qu’il fallait que Caroline traverse le film comme une épée qu’on trempe dans le feu, qu’elle soit comme une flamme.

Il est aussi parfois question de la pornographie dans ce que dit Marie en voix off :
Le film entretient un rapport étroit et profond avec la pornographie, mais il n’est jamais pornographique.
Parce que Caroline n’a pas du tout un corps pornographique, mais un corps très compact, presque une abstraction de corps. Elle est si peu obscène et elle a tellement d’âme que ça gomme la pornographie. Elle a une grâce incroyable. Dans la scène avec Rocco, elle s’enroule et se déroule sur le lit pendant huit minutes et il n’y a pas un faux mouvement, tout est gracieux. Ce qui me frappe dans cette scène avec Rocco, c’est aussi qu’à la fin c’est lui qui meurt, on a l’impression qu’il est en train de mourir tellement il s’abandonne. C’est de loin lui le plus faible. Quand un homme est extrêmement viril, comme l’est Rocco, il peut se permettre d’être le plus faible, ce qui est la réalité de l’acte physique entre un homme et une femme. La jouissan­ce de la femme l’emporte dans un ailleurs très surnaturel, elle échappe complètement à l’homme. Alors que l’homme qui jouit est en train de cesser d’être un homme au sens où il se représente lui-même en tant qu’homme, c’est-à-dire comme un sexe en érection. Et ça, ça se voit sur le visage de Rocco. Pour donner ça à un metteur en scène, il faut beaucoup de courage. Rocco a accepté cette mort qui n’était pas prévue au scénario, même si j’avais fait placarder partout sur le plateau une phrase d’Oshima qui dit que tout metteur en scène a un jour envie de filmer un homme et une femme en train de mourir, parce qu il a envie de filmer ces deux êtres dans la jouissance, qu’on appelle la petite mort après tout.

Marie dit que les femmes sont les victimes expiatoires des hommes, mais son histoire ne prouve-t-elle pas le contraire ?
A la fin seulement. Je crois que les femmes sont victimes de tous les hommes. Comme elles les aiment, elles aiment quand même ça aussi. La position d’aliénation est aussi un fantasme et un désir, même s’il n’est pas très honorable. C’est l’histoire de Barbe Bleue, qui était mon conte préféré, l’histoire d’une femme qui aime l’homme qui tue les femmes. Ça représente à la fois très bien le fantasme amoureux des femmes et la réalité de ce monde où, finalement, les hommes tuent toujours les femmes, d’une certaine manière.

Le moment où Marie et Paul font finalement l’amour est terrible. Il la jette par terre mais cet acte sexuel est très avilissant pour lui aussi : ce n’est pas le mâle glorieux, c’est la gougoutte séminale...
C’est pousser les choses loin mais je connais des couples harmonieux, qui ont un enfant, et tout a coup, on a des confidences et on comprend que cet enfant, c’est la seule fois où ils ont fait l’amour en plusieurs années de mariage. Ça arrive souvent. Les couples vivent énormément en compagnonnage, dans une vie assexuée, totalement. Comme les gorilles, qui ne font l’amour que pour procréer, une fois tous les deux ans, mais vivent en harmonie avec leurs femelles.

La mort de Paul, éliminé sans autre forme de procès, fait surgir une violence assez grande contre les hommes : c’est encore la radicalité du personnage de Marie ?
C’est une violence contre les hommes comme ils se posent, c’est-à-dire en dominateurs, en mâles dominants, très musculairement finalement, de façon animale. Ces instincts animaux, il faudrait les dépasser pour aimer non pas la force, mais la force de la pensée. Mais les hommes qui veulent aimer les femmes commencent par les dominer pour être sûrs d’être des «hommes». Marie s’est d’ailleurs soumise dans la romance. Une femme attend toujours de l’homme qu’il lui apporte quelque chose, ce qui est aussi un défaut, il faut le dire. L’homme doit lui apporter ce qu’elle ne s’apporte pas elle-même, et en exigeant ça de lui, elle empêche l’homme de lui donner. A ce moment-là, mon personnage est en train de s’avilir, de ne pas se demander à elle-même ce qu’elle réclame à l’autre. Mais la mort de l’homme dans le film est d’abord symbolique. Ça veut simplement dire que Marie n’aura plus besoin de ça et que même quand elle aura une nouvelle relation amoureuse, ça sera réinventé sur un autre plan, où elle ne demandera plus à l’autre de l’élever comme s’il était plus haut.

Tous les hommes que rencontre Marie ont un rôle symbolique fort. Pour vous, Romance est une fable?
Marie fait coup sur coup les expériences fondatrices qui demandent plusieurs années d’une vie. C’est un parcours ramené à l’essentiel, qui condense son expérience de façon symbolique. Mais dire que ce film est une fable m’ennuie, ça voudrait dire qu’il y a une morale. Pour moi, c’est une quête héroïque. Je voulais que ce soit un univers magique. J’ai d’ailleurs toujours voulu filmer magiquement, c’est-à-dire faire en sorte que les choses arrivent d’elles-mêmes, ce qui est bouleversant. Ça demande du travail, ça fait peur, mais on peut arriver à faire en sorte que tout arrive tout seul. C’est ce que j’appelle la magie. Et puis j’ai eu envie de faire ce film comme l’oeuvre au noir et l’oeuvre au blanc, une quête alchimique. C’est venu en fait par hasard, je me suis rendu compte que tout se mettait en place selon les symboles de l’alchimie. Le passage devant le miroir en est un, par exemple.

L’univers du personnage de François Berléand est d’ailleurs presque abstrait, mental, comme l’appartement blanc de Paul. Vous avez voulu que les décors aient aussi une dimension symbolique dans le film ?
J’aime beaucoup les appartements blancs, ça me fascine. Quand on filme un appartement blanc, il y a quelque chose qui entraîne vers le symbole beaucoup plus que dans la vie. Mais je pense que les choses sont toujours symboliques, et c’est normal car les symboles nous habitent inconsciemment et nous leur obéissons. C’est ce qui m’a donné envie de travailler sur les couleurs. Les couleurs alchimistes, qui sont le noir bistre, comme le brun de la terre, l’écarlate, le blanc et un tout petit peu d’or que j’ai mis un peu par­tout. Mais on bannit le bleu, qui est la cou­leur de l’église. Avec François Berléand, c’était l’oeuvre au noir. Quand on a tourné la scène où il pend Marie à la fenêtre, j’ai filmé la répétition au cas où il se passerait quelque chose. Et ce qui s’est passé, c’est qu’un voile de mort à recouvert toute la scène. C’était très impressionnant, comme si on avait tou­ché à quelque chose de magique, les gens ont été extrêmement troublés. Et c’est la répéti­tion que j’ai prise au montage. L’oeuvre au noir, c’est cela: passer par toutes les épreuves jusqu’à une destruction, engager un travail sur soi-même qui passe par une mort, et de cette mort naît l’oeuvre au blanc, la vie, l’épure sur soi-même.

La voix intérieure de Marie semble parfois être la vôtre. Est-ce qu’il y a beaucoup de vous dans ce film, plus que dans les précédents ?
Il y a beaucoup de moi, oui, et forcément plus que dans mes autres films puisque j’ai plus d’expérience. A chaque nouveau film, je puise en moi-même en allant plus loin. C’est une connaissance, mais je n’ai pas de démarche autobiographique. J’ai une démarche artistique, qui est de puiser en moi-même en pensant que je suis à l’image des autres et pas uniquement de moi-même, ce qui serait narcissique. Mais je me suis aussi inspirée de Christine Pascal, qui était comme une autre moi-même et à qui j’ai dédié le film. Je crois que nous sommes tous beaucoup plus semblables que nous ne le croyons.

LA DEPECHE

CATHERINE BREILLAT : "LE JOLI EST AFFREUX"

Chacun de ses films est sujet à controverses. Autant dire que la réalisatrice Catherine Breillat s'imposait comme invitée du festival « Zoom arrière » consacré aux films interdits. Explications de la réalisatrice…

 
Entre la censure et vous, c'est une histoire ancienne…
J'ai écrit « L'homme facile » mon premier roman, à 16 ans. Il a été interdit aux moins de 18 ans, ce qui veut dire que suivant la logique de la censure, je ne pouvais pas relire ce que j'avais moi-même écrit. J'étais alors une jeune fille brillante, différente, qui se posait des questions sur tout… Bref, la censure, qui est le reflet de la société, n'aimant pas la singularité, j'ai été interdite…

 
Craignez-vous la censure ?
Non, pas du tout. La censure, j'ai toujours dialogué avec elle. Et aucun de mes films n'a jamais, d'ailleurs été interdit. Et pourtant, je vais toujours plus loin.

 
Vous dialoguez avec elle ?
Oui, dialoguer avec elle, c'est lui demander « pourquoi ? » ; le problème n'étant pas ce qu'on voit, mais à quoi ça sert. Je prends l'exemple de « Romance» (N.D.L.R. avec Rocco Siffredi), le film ne peut pas être classé X car mon but n'est pas de faire un film masturbatoire. Au contraire, je trouve que le film est très froid…

 
Vos films ont pour sujet la sexualité féminine …
Je ne trouve pas que j'explore la sexualité féminine. Je la dynamite. Je pose des questions à son sujet. Est-ce que c'est vraiment ce qu'on nous dit ? Exemple : la virginité. Jeune fille, j'entendais : « perdre sa virginité est un moment dont toute femme se souvient. » Et bien moi, pour ne pas vivre ça, j'ai tenu à la perdre avec un homme que je n'aimais pas. Pour n'y mettre aucun affect, que ça n'appartienne qu'à moi.

 
Pourquoi pensez-vous que vos films choquent ?
Ils suscitent surtout beaucoup de haine ! Si vous saviez tout ce que j'ai reçu comme signes de dégoûts et de haine, pour « 36 fillette ». Je pense que c'est parce que je suis dans une forme d'hyperréalisme, que je filme les choses frontalement et que, spectateur, on ne peut pas y échapper. Pour certains, ça fait mal. Paradoxalement, mes films sont vénérés dans le monde anglo-saxon, USA… Je suis adorée au Canada anglais, détestée au Québec. Les puritains m'adorent, les paillards gaulois me détestent…

 
Peut-on tout montrer ?
Disons qu'on ne doit rien s'interdire. Ce qu'on s'interdit, c'est par consensus. Un artiste doit repousser les limites. L'art se trouve entre les bornes et la limite. L'art est un acte politique. C'est répondre à des questions qui ne sont pas posées. Surtout dans le domaine de l'interdit.

 
Peut-on tout voir ?
Je pense que l'on peut tout voir, mais pas à n'importe quel moment… Je suis pour la censure pour les enfants, on doit les protéger. Pour des adultes, c'est différent. J'ai vu « Salo » de Pasolini, j'étais trop jeune. Insupportable. Je l'ai revu dix ans plus tard : un chef-d'œuvre.

 
Vous avez dit : « Le joli est affreux »…
Oui. Dire que quelque chose est joli, cela ne dérange pas. Le c'est ni beau ni laid, il n'y aucune transcendance. C'est ni Dieu ni diable, c'est rien, c'est comme le bon goût, ça ne dérange pas…

 

Catherine Breillat sera à l'ABC vendredi à 18 heures pour présenter « 36 fillette », à 20 heures à la Cinémathèque pour « Romance » et samedi, à 16 heures à la Cinémathèque pour « Une vieille maîtresse ».
LE MONDE INTERACTIF

Trois questions à Catherine Breillat



La réalisatrice Catherine Breillat, dont le dernier film, A ma sœur !, est en salles depuis le 7 mars, répond aux questions du "Monde interactif" sur les rapports entre cinéma, Internet et caméra numérique.

Quelle utilisation faites-vous d'Internet ?
Personnellement, je ne suis pas une internaute chevronnée. Je n'ai même pas de connexion à Internet chez moi. Je n'ai vraiment pas le temps de m'y mettre et en plus, je suis un peu réfractaire à tout ce qui est technique. Je n'aime pas trop les ordinateurs. Par contre, j'utilise beaucoup Internet comme moyen de communication depuis la sortie de mon film Romance en 1999.
C'est un outil de diffusion d'informations incroyablement puissant et très pointu. Par exemple, j'ai fait la promotion de ce film en Corée, et la conférence de presse que j'y ai donnée à cette occasion a été retransmise en direct sur le Net.
Internet est désormais un outil de recherche d'informations indispensable : les journalistes du monde entier se renseignent sur un film ou sur un cinéaste grâce aux différents sites disponibles en ligne. C'est pourquoi je suis plutôt contente de voir que de nombreux sites se sont développés autour de mes films, notamment Romance. Il y a notamment un site allemand très bien fait. Je participe également de plus en plus à des forums, à des discussions en ligne avec les internautes. C'est essentiel, cette nouvelle relation, quasi immédiate et directe, qui peut s'établir via Internet entre un cinéaste et les spectateurs. Cela me semble d'autant plus important pour des films d'auteur comme les miens qui ne se limitent pas à une audience exclusivement française et qui ont besoin de succès à l'étranger.

Que représente pour vous ce nouveau média ? Un outil de promotion pour vos films ? Un espace de création ?
A mes yeux, Internet est avant tout un espace de liberté. Il y a beaucoup plus de liberté sur le Web que pour d'autres médias. Peut-être pas en France, où il y a une grande liberté de la presse, mais dans d'autres pays plus "totalitaires". Internet est, selon moi, un formidable outil pour le discours plus que pour le slogan promotionnel. Finalement, ce n'est pas un outil très important pour la promotion pure et simple d'un film. C'est plutôt un instrument de discours très pointu. Il s'adresse mieux à une certaine frange de la population. Les gens qui surfent sur Internet, surtout les jeunes, sont à la recherche d'un autre discours, d'une autre manière de penser en dehors des circuits traditionnels. La réelle création va passer par Internet. C'est de là que surgiront les vraies surprises, bonnes et mauvaises, mais plutôt bonnes, à mon avis.

Que pensez-vous du recours à la caméra numérique ?
Pour moi, l'utilisation de la caméra numérique est avant tout une question de style. C'est comme les techniques modernes de la peinture à l'acrylique ou du collage par rapport à la technique traditionnelle de la peinture à l'huile. Chaque cinéaste réalise son œuvre avec les moyens qui lui correspondent le mieux. Il est certain que le numérique va prendre de plus en plus d'importance dans l'univers du cinéma, jusqu'à devenir aussi incontournable que la caméra traditionnelle. L'image numérique va sans doute aussi s'améliorer et se rapprocher de plus en plus de la qualité, du rendu de la pellicule classique. Pour ma part, j'en suis plutôt encore au stade de la peinture à l'huile. Il y a une certaine froideur, un modernisme de l'image lié à la caméra numérique qui ne convient pas à ma manière de filmer. Il y a également une tendance à la schématisation. La caméra numérique ne parvient pas encore à rendre très bien la peau, la transparence de la peau comme le fait la pellicule traditionnelle. Or, dans mes films, la peau est toujours très présente.
Par ailleurs, se pose aussi la question de la post-production numérique. Le montage numérique offre une telle gamme de choix que, du coup, même si le coût de filmer avec une caméra de ce type est moindre, la post-production peut coûter très cher. Finalement, elle peut se révéler être un outil à double tranchant, pas chère d'un côté et très coûteuse de l'autre. La caméra numérique peut être un "plus" indéniable pour les cinéastes, n'en faisons pas un "moins" en rendant son utilisation obligatoire. N'oublions pas, de toute façon, que la caméra numérique n'est en fin de compte qu'un simple outil, une technique. L'invention du stylo-bille n'a pas multiplié le nombre d'écrivains de qualité. C'est la même chose avec la caméra numérique, cela ne fera pas des cinéastes plus talentueux pour autant.

nytimes.com

Sex and Power: The Provocative Explorations of Catherine Breillat

The work of Catherine Breillat, the French filmmaker and novelist whose movies frequently explore the perversity animating male-female power dynamics in Western society, has always been fearlessly pertinent. These days, as more and more revelations about the sexual predations of high-profile men come to light, they may even be more pertinent.

The Criterion Channel section of the streaming site Filmstruck recently unveiled its Catherine Breillat Collection, which offers all the movies the director has made in this century, with the exception of “Anatomy of Hell,” the 2004 movie about men’s fear of menstruation, and one of her most extreme works in terms of explicit content.

The first picture of the collection is the still-shocking “Fat Girl,” from 2001, which centers on a 12-year-old. Anaïs (Anaïs Reboux), chubby, pouty and red-cheeked, feels out of sorts while on holiday, watching her older sister, Elena (Roxane Mesquida), being romanced by a local Lothario, Fernando (Libero De Rienzo). The movie’s central jaw-dropper is a scene, about 20 minutes in, when Fernando visits the girls’ shared bedroom one night. A wide-awake Anaïs is witness to Fernando’s wheedling, inveigling “seduction” of Elena. When Elena instructs her beau to go only so far, he responds “I swear on my mother’s head.” Seconds later, Fernando says that he’s not sure if he can hold himself back and that it would be a shame if he had to go to another girl to get what he wants. And on it goes. It’s excruciating.

Not all of Ms. Breillat’s observations are specific to the vexation of women. This movie, and others of hers, feature intimate implications of the cosmic. I saw “Fat Girl” for the first time in 2001, at the Toronto International Film Festival. This is not quite a spoiler — because believe me, the scene in question is not one that you are going to see coming, even with this reveal — but the movie ends with the central character subjected to a mini-apocalypse: The world she knows ends before her eyes. It’s a shattering scene, constructed with an assurance that is kind of terrifying. On the day I saw the movie, Sept. 8, 2001, I found it too abrupt and arbitrary. Little did I know. Interviewing Ms. Breillat a couple of years later, I told her how my perception of the film changed after Sept. 11; her response was an enthusiastic nod of agreement — and a Gallic shrug.

All the other films in the collection are rich in wit, emotional tumult and philosophical trenchancy. “Sex Is Comedy,” from 2004, is a genuinely funny movie about moviemaking, inspired by the shooting of that startling sex scene from “Fat Girl.” Here Anne Parillaud plays a put-upon stand-in for Ms. Breillat. “The Last Mistress,” from 2008, is a 19th-century tale of a woman who refuses to take her lover’s rejection in stride. This movie’s subversions begin with the casting of a thoroughly modern screen presence, Asia Argento, in the title role.

There has often been a recognizable streak of fantasy in Ms. Breillat’s work, and in recent years she has given her tendencies in that direction freer rein by making films of well-known fairy tales. Her perspectives on “Bluebeard” (2010) and “Sleeping Beauty” (2011) are more than fractured; they are radical. Lola Créton, known in the United States mostly for her work in Mia Hansen-Love’s “Goodbye First Love” (2012) and Olivier Assayas’ “Something in the Air” (2013), gives a fierce performance in “Bluebeard” as Marie-Catherine, the title character’s clever young wife who is confounded by the temptation of a secret chamber in their shared castle.

The collection is completed by “Abuse of Weakness” (2014), Ms. Breillat’s most recent film, and possibly her greatest, so far. It’s a largely autobiographical account of catastrophic events after Ms. Breillat’s brain hemorrhage in 2004. (She also wrote a novel based on her experiences.)

In that film, Isabelle Huppert, in an even more astonishing performance than what she usually serves up, plays Maud, a writer and director we first see sliding out of her bed, half-paralyzed. Ms. Huppert portrays her suffering character, who remains partly paralyzed throughout, with incredible physicality. At times, Maud seems to masochistically luxuriate in her incapacitation. Watching television one evening, Maud is entranced by the bragging of a ruggedly handsome con man, recently released from prison and promoting a book about his swindles. She asks him to star in her next film; he agrees, and he almost immediately starts a psychological game with her.

“I don’t meet with my actors until I start filming,” Maud says, her left hand still crabbed from her stroke. Slumped in a chair opposite her, the con man, played by the French rapper Kool Shen, responds, “You are going to see a lot of me.” Soon Maud is writing him enormous checks and imperiously insisting to herself that she understands what’s going on and has some control over it. This is a subtle but unflinching psychological horror picture with a devastating finale.

If you’re in the mood to do more cinematic exploring, this month the cinephile site Filmatique, which specializes in international movies that normally get scant attention in the United States, focuses on North African directors and films. So far it has posted Mohcine Besri’s 2011 kidnapping drama, “The Miscreants”; Nadine Khan’s “Chaos, Disorder” (2013), a scrappy love triangle set in Cairo; and a female character study from 2012, “Coming Forth by Day,” from the Egyptian filmmaker Hala Lotfy.

On Dec. 22, the Tunisian picture “Challat of Tunis” debuts on the site. Directed by and featuring Kaouther Ben Hania, this mockumentary posits the existence of a criminal in prerevolutionary Tunisia called the Challat. (The word means blade in a Tunisian dialect.) In 2003, the movie tells us, he rampaged through Tunis on a motorbike, hunting down provocatively dressed women and slashing their buttocks with a straight razor.

The movie begins 10 years after, with Ms. Ben Hania trying to visit the prison where the Challat was supposedly held. Stymied, she goes to neighborhoods where he was reputed to have struck. Interviewing local residents, she finds men disparaging the Challat’s supposed victims and their scanty wear. They say things like “One must dress correctly. In a respectful fashion.” The movie teems with such upsetting, but not surprising, instances of victim-blaming. The filmmaker also interviews the maker of a “devout” video game in which the player is the Challat, and gains points for slashing inappropriately dressed women. If the player attacks a hijab-wearing woman, points are deducted. Ms. Ben Hania also explores the home life of a creepy braggart who claims to be the “real” Challat.

This is a satire that stings. The misogyny and threatened masculinity on display half a world away is no different from what exists in the United States; the only distinction is in the pretext. (Many of the men in this movie claim that their retrograde views are endorsed by Islam.) Like the films of Ms. Breillat, “Challat of Tunis” is uncomfortably timely.

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