ALBUM(S) D’AUSCHWITZ un documentaire en avant-première sur Télérama.fr

ALBUM(S) D’AUSCHWITZ un documentaire en avant-première sur Télérama.fr

Alors que le débarquement allié a déjà eu lieu sur les plages de Normandie, à Auschwitz, les nazis s’acharnent à exterminer. De mai à juillet 1944, l’élimination des Juifs d’Europe est à son acmé, les convois venus de Hongrie se relaient, déversant sur la rampe d’accès de Birkenau des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Ereintés par des journées de voyage dans des wagons à bestiaux, ils ne savent rien de ce qui se profile au bout du quai : la sélection, la chambre à gaz pour certains, l’indifférenciation tatouée et la tenue concentrationnaire pour les autres. Sur cette industrialisation millimétrée de la mort, sur l’organisation technique de la « solution finale », on a longtemps cru que n’existaient que les souvenirs des rescapés.

 
Mais, unique témoignage visuel, archive historique capitale, camouflet aux révisionnistes, deux albums, recelant plus de trois cents clichés réalisés par des officiers SS en 1944 à Birkenau, attestent la bar­barie nazie. C’est leur histoire croisée que nous racontent William Karel et Blanche Finger dans Album(s) d’Auschwitz. « Toutes ces photographies sont d’une importance cruciale, insiste Karel. Elles sont une preuve incontestable de ce qui devait être effacé de la mémoire des hommes. »

 
Le premier album, celui de Lili Jacob, du nom de la jeune fille juive originaire de Hongrie qui l’a découvert en avril 1945, montre l’arrivée à Auschwitz, le 26 mai 1944, d’un convoi de Juifs hongrois. Celui-là même où elle se trouvait. Les clichés figent l’instant d’avant le tri, qui la sépara de sa mère et de ses deux petits frères envoyés vers le gazage et les crématoires, l’indistinction imposée par la tonte… Le second, celui de Karl Höcker, du nom de l’adjoint au commandant du camp, décline les moments de détente des officiers SS, baguenaudant, accordéon en bandoulière, dans la campagne à l’entour des cheminées fumantes, vautrés dans des transats pour une sieste r­éparatrice…

 
C’est autour de cet album, découvert en 2007, que devait se construire initialement le documentaire. « France 2 nous avait proposé ce sujet, l’étrange parcours de ces photos. Le musée de l’Holocauste à Washington les avait récupérées après avoir été contacté par téléphone, à la fin de sa vie, par un ancien officier américain en poste en Allemagne pendant la guerre, précise Karel. Il semble que cet homme n’ait rien voulu dire des circonstances dans lesquelles il avait mis la main sur les photos, ni pourquoi il les avait conservées pendant soixante ans sans rien dire. Mais il était d’accord pour les remettre au musée, à condition que son anonymat et ses motivations soient préservés. Il les a envoyées par la poste. »

 
Au fait des recherches menées par le musée de Washington pour relier l’album de Höcker à celui de Lili, désormais détenu par le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, Blanche Finger, coscénariste et compagne de Karel, propose de creuser la piste et de revisiter l’histoire d’Auschwitz à l’aune de ces deux albums, de leurs clichés faits à la même période, de leurs deux histoires mises en parallèle. Et découvre, alors que le film est au trois quarts monté, le témoignage filmé de Lili Jacob, archivé par la Fondation Spielberg. « On a redémonté. Avant, elle était le personnage principal par les photos ou sa déposition sonore au tribunal de Francfort en 1964. Là c’est devenu son histoire », confirme Karel.

 
L’histoire d’une souffrance inaltérable, d’un présent toujours tailladé par le passé, qui tranche avec l’insouciance beso­gneuse des nazis. La mise à nu de la sidérante « banalité du mal ». Mais au-delà de la valeur testimoniale de son film, de son souci de transmission, Karel lui confère une fonction d’alerte :

« Si, dans Looking for Nicolas Sarkozy [son précédent documentaire, diffusé sur France 2 en décembre, NDLR], je me suis attardé sur l’épisode de l’expulsion des Roms, c’est que l’histoire qui semble bégayer m’inquiète. Je ne dis pas que c’est la même histoire mais c’est une histoire semblable, et c’est important que cela n’arrive plus. La façon dont les barrières sont tombées entre l’UMP et le Front national m’alarme. »