CATHERINE BREILLAT : “LE JOLI EST AFFREUX”

CATHERINE BREILLAT : “LE JOLI EST AFFREUX”

Chacun de ses films est sujet à controverses. Autant dire que la réalisatrice Catherine Breillat s’imposait comme invitée du festival « Zoom arrière » consacré aux films interdits. Explications de la réalisatrice…

 
Entre la censure et vous, c’est une histoire ancienne…
J’ai écrit « L’homme facile » mon premier roman, à 16 ans. Il a été interdit aux moins de 18 ans, ce qui veut dire que suivant la logique de la censure, je ne pouvais pas relire ce que j’avais moi-même écrit. J’étais alors une jeune fille brillante, différente, qui se posait des questions sur tout… Bref, la censure, qui est le reflet de la société, n’aimant pas la singularité, j’ai été interdite…

 
Craignez-vous la censure ?
Non, pas du tout. La censure, j’ai toujours dialogué avec elle. Et aucun de mes films n’a jamais, d’ailleurs été interdit. Et pourtant, je vais toujours plus loin.

 
Vous dialoguez avec elle ?
Oui, dialoguer avec elle, c’est lui demander « pourquoi ? » ; le problème n’étant pas ce qu’on voit, mais à quoi ça sert. Je prends l’exemple de « Romance» (N.D.L.R. avec Rocco Siffredi), le film ne peut pas être classé X car mon but n’est pas de faire un film masturbatoire. Au contraire, je trouve que le film est très froid…

 
Vos films ont pour sujet la sexualité féminine …
Je ne trouve pas que j’explore la sexualité féminine. Je la dynamite. Je pose des questions à son sujet. Est-ce que c’est vraiment ce qu’on nous dit ? Exemple : la virginité. Jeune fille, j’entendais : « perdre sa virginité est un moment dont toute femme se souvient. » Et bien moi, pour ne pas vivre ça, j’ai tenu à la perdre avec un homme que je n’aimais pas. Pour n’y mettre aucun affect, que ça n’appartienne qu’à moi.

 
Pourquoi pensez-vous que vos films choquent ?
Ils suscitent surtout beaucoup de haine ! Si vous saviez tout ce que j’ai reçu comme signes de dégoûts et de haine, pour « 36 fillette ». Je pense que c’est parce que je suis dans une forme d’hyperréalisme, que je filme les choses frontalement et que, spectateur, on ne peut pas y échapper. Pour certains, ça fait mal. Paradoxalement, mes films sont vénérés dans le monde anglo-saxon, USA… Je suis adorée au Canada anglais, détestée au Québec. Les puritains m’adorent, les paillards gaulois me détestent…

 
Peut-on tout montrer ?
Disons qu’on ne doit rien s’interdire. Ce qu’on s’interdit, c’est par consensus. Un artiste doit repousser les limites. L’art se trouve entre les bornes et la limite. L’art est un acte politique. C’est répondre à des questions qui ne sont pas posées. Surtout dans le domaine de l’interdit.

 
Peut-on tout voir ?
Je pense que l’on peut tout voir, mais pas à n’importe quel moment… Je suis pour la censure pour les enfants, on doit les protéger. Pour des adultes, c’est différent. J’ai vu « Salo » de Pasolini, j’étais trop jeune. Insupportable. Je l’ai revu dix ans plus tard : un chef-d’œuvre.

 
Vous avez dit : « Le joli est affreux »…
Oui. Dire que quelque chose est joli, cela ne dérange pas. Le c’est ni beau ni laid, il n’y aucune transcendance. C’est ni Dieu ni diable, c’est rien, c’est comme le bon goût, ça ne dérange pas…

 

Catherine Breillat sera à l’ABC vendredi à 18 heures pour présenter « 36 fillette », à 20 heures à la Cinémathèque pour « Romance » et samedi, à 16 heures à la Cinémathèque pour « Une vieille maîtresse ».