CAVALIERS SEULS : à cheval entre la vie et la mort

CAVALIERS SEULS : à cheval entre la vie et la mort

C’est un film hasardeux, au meilleur sens du terme. L’acteur Jean Rochefort est un admirateur de la réalisatrice Delphine Gleize, depuis son premier long métrage, Carnages (2002). L’occasion de travailler ensemble ne s’étant pas présentée, l’acteur s’ouvre à la réalisatrice d’une belle histoire vraie, qu’il tient de sa familiarité des milieux hippiques. Cette histoire devient rapidement un projet de cinéma, qu’ils décident de réaliser en commun.

Le résultat, c’est Cavaliers seuls, un documentaire à la fois simple et touchant, dont l’intérêt dépasse très largement le cercle des amateurs d’art équestre. Il s’y agit plutôt, sur fond de manège, d’une affaire d’hommes, de la relation rare et précieuse qui s’établit entre un vétéran au seuil de la mort et un adolescent à l’aube de sa vie.

Le premier se nomme Marc Bertran de Balanda, c’est un ancien champion international du saut d’obstacles devenu instructeur au Cadre noir. A 80 ans, le vieil homme a perdu l’usage de ses jambes, se déplace en chaise électrique, habite une chambrette qu’une famille généreuse a vraisemblablement mise à sa disposition, en contrepartie de quoi l’illustre cavalier s’occupe de l’instruction du jeune poulain de la maison. Celui-ci se nomme Edmond Jonquières d’Oriola, il a dix-sept ans, du talent de monte à revendre, de la timidité à discrétion, une possible carrière devant lui.

L’histoire du film, c’est la relation entre ces deux hommes réunis par l’amour des chevaux et la rigueur de l’exercice, c’est plus encore ce qu’ils ont à partager et à s’offrir mutuellement à un moment crucial de leur vie respective. Cloué à sa chaise, Marc attend la mort en cavalier, dignement et avec élégance. Edmond s’apprête quant à lui à sauter l’obstacle de sa vie d’adulte. En un mot, l’un aide à monter celui qui l’aide à descendre. Il y a entre eux beaucoup de retenue et de tendresse cachée, pas mal d’humour, un peu de rudesse. Juste ce qu’il faut pour que la mort de l’un soit peut-être un peu plus douce, et que l’envol de l’autre soit lesté d’un poids de connaissance et de responsabilité.

Il serait tout à fait injuste de ne pas citer aussi le personnage de Martine, l’auxiliaire de vie et poétesse érotique à ses heures, qui s’occupe quotidiennement de Marc, et apporte à son patient en même temps qu’au film une gouaille inimitable, un bon sens roboratif, une consolation si originalement féminine. Elle prend plus que sa part dans ce beau film de voyage immobile, filmé avec appétit, trivialité, sensibilité.

La boucle du manège a ici sans doute remplacé la ligne narrative, il y avait de fait peu à dire, mais beaucoup à sentir et à montrer.

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