Edito de Alain FERRARI

Edito de Alain FERRARI

J’ai voulu faire “Un parcours algérien”, et j’ai aimé le faire, pour trois raisons principales.
La première : l’Algérie a tenu – et continue de tenir – une place importante dans ma vie personnelle. J’ai toujours éprouvé – j’éprouve encore – de l’admiration et du respect pour son peuple, confronté depuis des siècles aux situations les plus tragiques. Au XX ème, il a montré son courage, non seulement pendant la lutte de libération, mais aussi dans les sanglantes années 90. Il reste aujourd’hui debout, ce peuple, malgré les difficultés de survie, malgré les massacres. Tout nouveau séjour en Algérie confirme en moi cette admiration et ce respect.Le tournage d’”Un parcours algérien” n’a pas failli à la règle.

La seconde raison : le caractère atypique du rapport d’Hervé Bourges à l’Algérie. On a surtout traité, au cinéma et à la télévision, des Français qui avaient opté pour un extrême : les “porteurs de valises” ou les activistes de l’OAS. Ni pied noir ni pied rouge, Hervé Bourges n’a jamais pris de position radicale. Mais, par son action quotidienne, faite de générosité et de tolérance, il a su, soutenu bien sûr par d’autres, et notamment des chrétiens, maintenir le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée, le maintenir coûte que coûte, au plus fort de “la guerre sans nom”, comme dans l’émergence tourmentée de la nation et de l’état algériens.

Ce projet m’obligeait enfin à imaginer une forme originale : deux récits tricotés ensemble, l’un subjectif, le récit par Hervé Bourges de sa propre expérience, l’autre plus global, plus objectif, le récit de la période (1958-1965), ou plutôt de certains aspects précis de la période, par Hervé Bourges et par des témoins directs ou des acteurs des faits. Je suis allé ainsi à la rencontre des anciens du centre de jeunes d’Aïn Arnat – centre créé par Hervé Bourges près de Sétif en 1958. Rencontre inoubliable. Hervé Bourges n’étant pas présent, ces hommes ont pu évoquer sans gêne, et avec toute la chaleur du souvenir, l’influence sur leur développement individuel de ce “drôle de troufion”. Ils m’ont, dans le même mouvement, permis de toucher du doigt, si je puis m’exprimer ainsi, la réalité coloniale – sa dureté.

Deux récits entremêlés, donc, et qui disent le dialogue maintenu, envers et contre tout, entre les deux peuples. Puisse “Un parcours algérien” faire brèche au manichéisme qui perdure : il n’y eut pas, dans cette histoire pleine de bruit et de fureur, des bons contre des méchants, ni même des bons contre des bons, des méchants contre des méchants. Il y eut, dans chaque camp, des hommes de bonne volonté. Et c’est aussi à eux que, sans pratiquer la culture de l’oubli et avec un souci prégnant de conciliation, j’ai voulu, grâce au “passeur” Hervé Bourges, rendre ici hommage.