Entretien avec Jean-François Lepetit

Entretien avec Jean-François Lepetit

Vous êtes avant tout un producteur de films de fiction. Qu’est ce qui a guidé votre envie de produire un documentaire et de choisir un sujet lié à une actualité aussi brûlante ?
Je pense que la réalité dépasse toujours la fiction. J’ai été extrêmement frappé par la vaste entreprise de manipulation à laquelle s’est livrée l’administration Bush. Là en l’occurrence, le déclic est venu de la lecture du livre d’Eric Laurent, La guerre des Bush que j’ai dévoré durant un trajet d’avion. Le lendemain, je contactais l’éditeur pour en acquérir les droits. J’avais envie en tant que producteur mais aussi comme citoyen que ce livre devienne un film-documentaire vu par le plus grand nombre.
Le choix de confier la réalisation à William Karel s’est imposé naturellement ?
Nous avons initialement pensé à quelques réalisateurs dont Barbet Schroeder, Costa Gavras et William Karel …Ce dernier était non seulement enthousiaste sur le projet mais également disponible immédiatement…Nous avions particulièrement apprécié ses séries sur les hommes de la Maison Blanche, CIA guères secrètes ainsi que Opération Lune… sa connaissance des Etats-Unis, son cv impressionnant et son humour très décapant étaient pour nous autant d’éléments rassurants pour cette entreprise que nous voulions ambitieuse.

 

A quelles difficultés avez-vous été confrontés dans la fabrication de ce documentaire ?
La principale difficulté a été d’obtenir la participation de témoins significatifs ….Grâce au carnet d’adresses de William, certains personnages clés comme Frank Carlucci ou Richard Perle ont accepté de participer. Le montage s’est révélé également la phase la plus délicate. Notamment le passage sur le Patriot act qui avait du mal à s’intégrer dans la version finale.

Enfin l’autre difficulté a consisté pour William Karel à terminer le film alors que l’actualité nous apportait chaque jours des éléments que nous avions envie d’intégrer….

 

France 2 vous a suivi tout de suite…
Yves Jeanneau de France 2 nous a manifesté son intérêt et son soutien dès que nous lui avons exposé notre projet sans même connaître le nom du réalisateur. Mais c’est un film- documentaire relativement cher au budget avoisinant les 500 mille euros. Même pré-vendu en France, Suisse, Belgique et Australie… Le risque financier reste très important…et seule une large diffusion de ce film à travers le monde devrait nous permettre d’équilibrer …

 

Parallèlement à la diffusion sur France 2, le film bénéficie d’une sortie en salle. Pour quelles raisons ?
Le problème de la télévision, c’est qu’elle n’a pas de mémoire… Demandez à un téléspectateur ce qu’il a vu une semaine plutôt, il sera incapable de vous répondre. Sortir le film en salle, même 5 jours après une diffusion télé permet de donner une notoriété accrue à une œuvre…de la dater et de l’ancrer dans la mémoire … Par ailleurs  une sortie DVD est prévue dès le 1er Juillet. A quelques mois des élections américaines, il est urgent que ce film bénéficie d’une large audience.

 

Le documentaire de William Karel avait sa place au Festival de Cannes au même titre que le film de Michael Moore. Comment avez-vous vécu sa non-sélection ?
Le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, m’a d’abord indiqué qu’il souhaitait présenter notre film en sélection officielle hors compétition, si celui de Michael Moore n’était pas terminé… par la suite il a estimé qu’il ne pouvait pas pour des raisons diplomatiques sélectionner deux films anti-Bush….Je comprends sa position même si je ne la partage pas, car il est évident que la présence du Monde selon Bush en sélection officielle nous aurait donné un formidable éclairage notamment sur le plan international. Il aurait permis aussi un élément de comparaison intéressant. Selon moi, le film de Michael Moore sombre parfois dans la démagogie. En présentant Bush comme un imbécile, il simplifie le propos et rend son message dangereux. L’approche de William Karel est autrement plus rigoureuse.

 

Le film a-t-il déjà été vu aux Etats-Unis ?
Oui, mais uniquement  par des acheteurs et des distributeurs…. Leur première réaction a été de nous demander si tout ce que l’on voit dans le film est authentique ! Pourtant ce sont des gens bien informés…C’est dire si l’impact des manipulations et des mensonges est fort dans un pays ou la presse a pourtant la réputation d’être « libre » …Nous espérons pouvoir trouver une distribution salle, vidéo ou TV aux Etats-Unis.