LÉOLO

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LÉOLO
un film de Jean-Claude LAUZON 1992

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Je m'appelle Léolo, Léolo Lozone. Aussi loin que je me souvienne, ce sont les odeurs et les lumières qui ont soudé mes premiers souvenirs... Ma famille était comme les personnages d'une fiction, j'en parlais comme des étrangers. Ma mère avait la force d'un grand bateau qui voguait sur un océan malade. Elle était chaude et amoureuse. J'aimais quand elle m'enlaçait dans sa graisse, l'odeur de sa sueur me calmait. Mon père était convaincu que la santé venait en chiant. Tous les vendredi, nous devions subir un traitement choc aux laxatifs pour nous purifier de toutes les maladies du monde. Il y avait aussi mes soeurs Rita et Nanette, et Fernand, mon frère, que j'aimais pour la tendresse de son ignorance.

Un film de Jean Claude Lauzon


Narration
Gilbert SICOTTE


LEOLO
Maxime COLLIN


Mère
Ginette RENO


Grand-père
Julien GUIOMAR


Dompteur de vers
Pierre BOURGAULT


BIANCA
Guiditta DEL VECCHIO


Psychiatre
Andrée LACHAPELLE


Orienteur
Denys ARCAND


Professeur
Germain HOUDE


FERNAND
Yves MONTMARQUETTE


Ennemi de FERNAND
Lorne BRASS


Père
Roland BLOUIN


RITA
Geneviève SAMSON


NANETTE
Marie-Hélène MONTPETIT


LEOLO à six ans
Francis SAINT-ONGE


FERNAND à seize ans
Alex NADEAU


Gynécologue
Louis GRENIER


Professeur de géographie
Richard GUEVREMONT


TI-CUL GODIN
Eric CADORETTE


Poissonnier
Aaron TAGER


LATOURELLE
Luc SEGUIN


PAQUETTE
Simon GOSSELIN


Pêcheur
Luc PROULX


REGINA
Catherine LEMIEUX


Vendeur italien
Nick FASANO


NANETTE, young
Jade LANDRY CUERRIER


RITA, young
Magalie BEAUREGARD


Baby
Simon LAVIGNE


TOMASSE AMEDEO
Carlo MANGIU


CONTADINA
Maria PETRAGLIA


UMBERTO
Salvator GIUFFRIDA


Plongeur
Mikael BAILLARGE-LAFONTAINE


Un film écrit et réalisé par
Jean-Claude LAUZON


Producteurs
Lyse LAFONTAINE
Aimée DANIS


Co-Producteurs
Isabelle FAUVEL
Jean-François LEPETIT


Productrice associée (ONF)
Doris GIRARD


Producteur délégué (ONF)
Léon G. ARCAND


Avec la participation financière de :
Téléfilm Canada
La Société Générale des Industries Culturelles Québec
Radio-Québec
Super Ecran
La Procirep
et Le Ministère Français de la Culture et de la Communication (CNC)


Directeur-photo
Guy DUFAUX


Montage image
Michel ARCAND


Direction artistique
François SEGUIN


Costumes
François BARBEAU


Casting
Lucie ROBITAILLE


Assistant à la réalisation
Jacques W. BENOIT


Son
Yvon BENOIT


Conception sonore
Marcel POTHIER


Trame musicale
Richard GREGOIRE


Directeur de production
Pierre LABERGE


Régisseur Général
Lucie BOULIANE


Régisseurs d'extérieurs
Marie France CARON
Kirk FINKEN


Coordinatrice de production
Lucie D'AMOUR


Directeur de production (France)
Serge MENARD


Assistante de production (France)
Laurence MERCIER


Photographe de plateau
Roger DUFRESNE


Continuité
Josiane MORAND


Décorateurs
Frances CALDER
André CHAMBERLAND


Chef maquilleuse
Jackie REYNAL


Chef coiffeuse
Bettina KELLER


Costumes
Denise LEMIEUX


Chef habilleuse
Marianne CARTER


Chef electricien
Jean-Maurice DE ERNSTED


Gérant de construction
Réjean BROCHU


Bruitage
L'INTRIGUE PETER & PETER
LUCRAFT Inc.


Prise de vue sous-marine
Plongée CPAS Inc Watervisions
Underwater Camera


Coordinatrice de postproduction
Marie-France CARON


Effets sonores
Marcel POTHIER
Mathieu BEAUDIN


Direction de postsynchronisation
Jacques PLANTE


Techniciens du son
Jo CARON
Philippe SAMSON (France)


Foley artist
Jean-Pierre LELONG (France)


Mix
Hans Peter STROBL


Studio
Les Studios MARKO Inc.


Montage négatif (ONF)
Marielle FRENETTE


Étalonnage (ONF)
Gudrun RLAWE


Effets optiques (ONF)
Pierre PROVOST


Jimmy CHIN


Michael CLEARY


Titres (ONF)
Val TEODORI


Richard MARTIN


ITALY :
Production
Ramo D'ORO


Production manager
Tommaso CALEVI


Production management
Livia LETO
Carla PETTINI
Carla COLACI


Régisseur d'extérieurs
Flaviana FERRI


Casting
Umberto ANGELUCCI


Prise de son
Roberto ALBERGHINI


Gaffer
Francesco QUATTRONE


Key grip
Alberto ANZELOTTI

Images du film

LÉOLO LÉOLO LÉOLO LÉOLO LÉOLO LÉOLO

REVUE DE PRESSE

TIME MAGAZINE
LÉOLO : All-TIME 100 Movies

TIME's Richard Corliss updates our All-TIME 100 list of the greatest films made since 1923

interview de Jean Claude Lauzon concernant Léolo

Je commence à réaliser aujourd'hui que j'ai de la facilité à visualiser les choses. Depuis que je suis très jeune. Peut-être parce que je rêve ? Même éveillé, les images me viennent sans difficulté. L'équilibre esthétique est très important. C'en est même "obsessif-compulsif".

TIME MAGAZINE

LÉOLO : All-TIME 100 Movies

At some time in our youth, many of us have soberly concluded that these large people in our house cannot be our parents. They are clumsy or brutal, lacking the divine spark we surely possess; and rather than being stolen by gypsies, we were left on their doorstep by some superior beings as a test of our ability to absorb pain and indignity. Léo (Maxime Collin), 12, is nourished by this conviction as he watches his deranged Québecois brood mismanage their lives. He renames himself Léolo after determining that his mother had actually been impregnated by a Sicilian tomato. This is the first of Lauzon’s extravagant fantasies and, like other, odder ones, it is cogently grounded in the solitude that can smother any child— anybody. Lurching from the everyday obscenities of Léo’s home life to his rapturous dream life and back again, Léolo takes the elixir of Latin America’s magical realism and spikes it with the tartest French-Canadian satire. Our young hero does survive a (hilarious) suicide attempt, but Lauzon, alas, did not live to make another film. He died in a plane crash at 43.
Richard Corliss

interview de Jean Claude Lauzon concernant Léolo

Cinq ans se sont écoulés depuis que tu as tourné Un zoo la nuit. Pendant toute cette période, est-ce que tu t'es vraiment mis à Léolo ?
D'abord, il faut dire que Léolo a été écrit avant le Zoo. J'avais commencé à écrire un roman quand j'étais plus jeune - que j'ai abandonné - sur lequel 70% des textes de Léolo sont basés. Après le Zoo, je ne voulais pas me remettre à l'écriture tout de suite. Pour moi, l'écriture est extrêmement difficile. Avec le succès du Zoo à Cannes, j'avais été contacté par des producteurs américains. Je me suis donc rendu à Los Angeles où on m'a présenté plusieurs scénarios. On m'a proposé de très grosses productions, avec beaucoup de sous. J'étais particulièrement attiré par l'idée de travailler avec des étrangers, mais les scénarios étaient tellement mauvais. Alors, tranquillement, j'ai commencé à prendre des notes et amasser des photos pour Léolo. A ce moment-là, ça s'appelait Portrait d'un souvenir de famille. Le Zoo, Léolo, ce ne sont pas des projets que j'ai décidé de faire. Je n'ai jamais décidé arbitrairement de faire ces films-là. Je ne suis pas fou de cinéma : c'est un métier que je trouve très dur. J'aimerais mieux pouvoir être peintre, parolier ou chanteur. Mais, à certains moments, ça me vient par vagues, comme une hantise qui m'habite de plus en plus. J'arrive à un point où je suis vraiment obligé de plonger dedans et je crois que je jouerais ma santé mentale si je ne le faisais pas. Entre le Zoo et Léolo, j'ai passé beaucoup de temps seul à piloter et à penser en forêt. J'ai besoin d'être sur ma moto ou dans mon avion, de bouger. Je suis fasciné par le mouvement. Et comme ça, tranquillement, Léolo prenait forme. J'ai fini par me dire qu'il était temps de l'écrire. Et j'ai commencé. Je me suis retrouvé dans mon chalet en pleine forêt, à 400 miles d'ici, avec Pierre-Henri Deleau - le directeur de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes - et je lui ai raconté un peu l'histoire de Léolo. A cette époque-là, je ne voulais pas encore faire le film sur la misère de l'Est, peur de travailler avec des gens qui ne font que sacrer, peur aussi que le film manque de poésie, soit trop sec. Tu sais, la misère de l'Est de Montréal, je crois qu'on l'a déjà beaucoup vue au cinéma. Il y avait une lourdeur dans le sujet qui ne m'intéressait pas. Je n'avais pas trouvé encore la façon de dire tout ça autrement, sans expliquer l'histoire par une trame dramatique normale, mais en gardant quand même une certaine forme de lyrisme.Sans utiliser la violence ?
Il y a l'histoire avec le délinquant, à la fin qui est peut-être un peu dure pour certaines personnes et qui reflète peut-être un peu plus la dureté du texte.

La dureté de la vie, c'est une chose, mais la violence en est une autre. Tu n'utilises pas beaucoup la violence dans le film.
Je ne sais pas. C'est drôle que tu me dises ça parce qu'une des choses qu'on m'avait offerte aux Etats-Unis, c'était justement des films policiers très violents. Je passe pour quelqu'un d'assez violent et pourtant ce n'est pas quelque chose qui me fascine. Pour moi, si le thème premier du film n'est pas l'amour, en échange de tendresse, ça ne vaut pas la peine de le faire. Pourtant, il y a des films violents, bien faits, que j'ai beaucoup aimés. Mais je trouve tellement difficile de faire des films que j'avais besoin que ce film-là me permette d'évoluer et m'amène ailleurs.

Si, dans Un zoo la nuit, il y avait violence et tendresse, dans Léolo, on découvre vraiment seulement de la tendresse. Je voudrais savoir d'où vient cette tendresse chez Jean-Claude Lauzon ?
Je ne sais pas. Ca a toujours été ma perception des choses, même si j'ai été élevé dans un milieu très dur.

Mais qu'est-ce qui t'a décidé à faire ce film-là ?
Ca m'est venu comme une grande vague : il fallait que je fasse Léolo. J'ai mis bout à bout les dialogues, les deux textes qui brûlaient ma motivation et ça a donné Léolo. Mais je ne sais pas d'où ça vient ; je ne sais pas pourquoi c'est celui-là qui s'est imposé après le Zoo et surtout comment j'ai eu le courage de refuser les offres américaines (qui étaient très alléchantes) et d'attendre pour faire ce film-là. Je ne sais pas : je sais seulement que ce n'est pas réfléchi. Je n'ai jamais eu deux sujets de film en même temps : tranquillement, ce sont les choses qui se mettent en place et deviennent vraiment obsessionnelles. Finalement, Léolo est devenu un film obsédant. C'est comme ça.

N'est-ce pas une espèce de revanche sur le monde que tu as voulu prendre ?
Non. En fait, comparé au Zoo, Léolo est surtout un hommage à ma mère.

Est-ce que Léolo est un film à message, comme un engagement politique ?
Ah non ! Mais c'est drôle, parce que les gens commencent à y voir un message politique incroyable. Peut-être parce que c'est Pierre Bougault qui amène les textes sous la terre en souriant. Mais les gens sont en train de noter des choses que je n'avais jamais réalisées durant le tournage ; par exemple, il y a dans le film un francophone qui se fait tabasser par un anglophone, qui passe ensuite des années à se faire grossir pour aller se pavaner devant les anglophones et, avec une autre tape sur la gueule, il se défait complètement. Mais moi, je n'avais pas pensé comme ça.

Donc, l'art t'intéresse plus que la politique ?
Non. L'art non plus.
Ce qui m'intéresse, c'est expurger ou me libérer de certaines choses de temps en temps. Je me suis aperçu que c'était ça, mon rapport à la créativité. Je réalise aussi que j'ai un cycle : entre Piwi, Un zoo la nuit et Léolo, il s'est passé à peu près quatre ans. Pendant ce cycle de quatre ans, je peux croire que piloter un avion, faire de la plongée sous-marine ou de la moto peuvent me tenir en place, mais au bout de cette période, ma vie n'a plus aucun sens si je n'exploite pas ma créativité. Mais je n'ai pas de plan de carrière. Tout le monde me parle de carrière internationale ; ça ne m'intéresse pas du tout. Le cinéma, je n'en fais pas quand je peux m'en passer. Si un jour, je peux m'en passer, je n'en ferai plus.

Est-ce que, du point de vue de ton évolution spirituelle, de tes préoccupations, en continuant à faire du cinéma, tu pourrais te mettre à écrire ?
Est-ce que, un peu comme d'autres vont voir un psychanalyste, tu fais la même chose avec le cinéma ?
Tout ce film-là, c'est ça. Très jeune, je ne sais pourquoi, j'ai commencé à raconter des histoires sur mes amis. J'allais dans des parties et, quand je n'aimais pas ça, j'allais m'enfermer dans la salle de bains, je remplissais la baignoire d'eau chaude et j'écrivais. J'écrivais beaucoup sur mes amis - comme tous les adolescents - sauf que, chez moi, c'est une obsession qui a continué. Je prenais des notes. J'avais le don d'observer les relations entre les gens.

Il y a des enfants qui agissent par automatismes et d'autres qui regardent et questionnent tout. Où te situais-tu ? Travailles-tu, penses-tu toujours de la même façon ?
Non. A l'époque où mes amis aimaient beaucoup le hockey, moi, ça ne m'intéressait pas. Je n'ai jamais participé à un jeu d'équipe. L'expérience est ce qui est important pour moi. Je n'ai pas de système. Avec Léolo, les séquences se sont imposées d'elles-mêmes. Je ne réfléchis pas de façon logique. Quand j'ai regardé Un zoo la nuit, je me suis dit qu'il y avait une pointe de talent, mais que j'étais passé à côté de l'idée. J'étais content de l'avoir fait comme ça, mais tout ce que je retenais, c'était l'image où il lave son père et se couche à côté de lui. Je me suis dit que c'était cette image que je devais travailler, faire un long métrage qui serait ça. Et c'est de là qu'est venu Léolo : toute sa fluidité impressionniste, ses images qui reviennent sans vraiment d'organisation. J'ai l'impression que pendant les premières vingt-cinq minutes, les gens cherchent un peu où ils s'en vont, comment les choses se mettent ensemble et finalement s'abandonnent et laissent le film entrer en eux. A la fin, quand ils sortent, ils n'applaudissent pas, ne parlent pas. Ce n'est pas qu'ils n'aiment pas le film, non, ils sortent ailleurs, hypnotisés peut-être...

Ils sont vraiment touchés.
On a aussi remarqué qu'au début, avec l'épisode de la tomate, les gens pensent que c'est un film drôle et ils commencent à rire. Mais tout de suite après, il se passe quelque chose de plus grave et ils se sentent peut-être génés de rire. Le film alterne toujours comme ça entre le comique et le dramatique.

Mais cette alternance n'était pas une construction précise quand tu as écrit le scénario ?
Non. Mais je pense que c'est un reflet très précis de ma personnalité, de ce que je suis, de ce que je peux être, de la nature de mes sentiments. Je ne réfléchis pas consciemment à ce genre de choses. Des fois, je me demande si je ne suis pas seulement le porteur de quelque chose qui ne m'appartient pas, comme une sorte de catalyseur qui reçoit de l'information et la met en place. De là à se dire que Jean-Claude Lauzon pourrait t'expliquer pourquoi et comment le film a été constuit... Il n'y a tellement pas de réflexion logique derrière Léolo. C'est vraiment comme une peinture. C'est comme ça. J'essaie de donner le plus sincèrement possible ce que j'ai à donner.

Peut-on dire que c'est le portrait d'une société ? J'imagine que, dans l'Est de Montréal, tu as dû rencontrer beaucoup de personnages semblables.
Je les connais tous. Mais ce qui était très important pour moi, c'était de montrer que ces gens ne sont pas malheureux. Malgré tout ce qui se passait d'épouvantable dans ce quartier-là, on n'était pas malheureux.

Il y a aussi dans le film un côté italien assez prononcé. Est-ce que dans le quartier où tu vivais, il y avait beaucoup d'Italiens ?
Oui, il y en avait beaucoup. Mes amis étaient des Italiens. J'adore les Italiens. C'est la seule ethnie avec laquelle je me sens très bien. Les Italiens sont des poètes, des meneurs. On a tourné en Sicile et à Cinecittà : l'appartement du dompteur de vers dans le sous-sol, c'est l'entrepôt des statues de Fellini, à Cinecittà. Tout le décor est construit avec des accessoires qu'on a ramassé à Cinecittà et qu'on a mis ensemble. Le dompteur est assis sur la chaise des Damnés de Visconti, entouré des bibliothèques du Nom de La Rose.

J'ai lu quelque part qu'on t'avait demandé quels étaient les cinéastes qui t'ont influencé. Tu as répondu Pasolini et Fassbinder, mais tu ne nommais pas Fellini.
Pourtant, dans Léolo, l'influence est nettement fellinienne. Le personnage de Rita est filmé à la Fellini.
Oui. Fellini a vraiment un style à lui. L'univers de la cave est un peu réaliste, mais c'est beaucoup plus beau et plus fou dans le film, une fille habillée en robe de princesse, dans une cave... En voyant le film, beaucoup de gens ont commencé à faire référence à Amacord. C'est un film qui m'avait beaucoup marqué, mais je n'ai pas essayé de l'imiter.

As-tu eu des difficultés à convaincre les gens que le film pouvait se faire tel que tu l'avais écrit et imaginé ?
Je suis tellement content de n'être pas tombé dans des pièges de structure. C'est un grand luxe que je me suis payé en faisant Léolo comme je le voulais, parce qu'à la lecture du scénario, on pouvait se dire que ça ne ferait jamais un film. Je pense que Léolo peut être un film populaire, malgré l'organisation des idées qui ne fait pas appel à une structure qu'on connaît. Je pense que les gens vont le ressentir.

Tu réussis à créer un suspense dans lequel on ne sait pas nécessairement où on va.
C'est fantastique le cinéma. Léolo est un voyage.

Tu sais où mettre le punch.
Quand j'étais en montage, je voulais qu'il se passe quelque chose entre les scènes - que ce soit troublant sexuellement ou n'importe quoi - mais qu'on se sente saisi, et juste au moment de s'en remettre, on retombe en pleine face. Jusqu'à maintenant, les commentaires ont été très positifs. Léolo est plus fou que le Zoo.

Tu es aussi le premier cinéaste québécois qui s'ouvre sur le monde ; très peu de gens le font. Et on le voit à travers la fascination pour la culture italienne, la musique arabe et sud-américaine. Tu t'attardes sur ces choses et tu recherches aussi leur beauté.
Pourtant c'est de nous que je parle. C'est très important pour moi. Quand la caméra descend dans la cour et que l'Italien chante, c'est nos ruelles, c'est nos fonds de cour à nous, mais en même temps, il y a une beauté qui est ailleurs. Ce sont toutes des choses que j'ai connues et que j'ai interprétées un peu différemment de la réalité ; l'intérieur des ruelles, l'endroit où le frère va à la pêche, les gens du bien-être social qui ressemblent à des gitans sur un quai. Et pourtant, c'est nous, en tant que Québécois.

L'attaque contre l'institution scolaire est-elle consciente ?
Oui, c'est très conscient. A l'école St Louis, quand on nous demandait de faire des compositions et d'écrire une page, j'en écrivais cinq. Chaque fois, on me demandait de les lire devant la classe et je faisais rire tout le monde parce que j'écrivais des choses qui n'avaient rien à voir avec les autres. C'était vraiment un drôle de milieu. Au début de l'année, certains professeurs se faisaient démolir par les frères des élèves, alors on les remplaçait par un boxeur qui était plus gardien que professeur. J'écrivais, j'avais beaucoup d'imagination, mais j'avais une grammaire complètement pourrie, et personne ne m'a encouragé à m'améliorer. Si j'avais à donner un seul message dans Léolo, ce serait de dire aux enseignants d'aider et d'encourager vraiment leurs élèves. Je n'ai pas de côté amer et me suis débrouillé, mais ça aurait été bien qu'un professeur me donne le coup de pouce qu'André Pétrowski m'a donné à dix-sept ans et me dise que j'écrivais bien et qu'il fallait que je continue mes cours. J'avais des problèmes avec la police à l'époque. Je me faisais arrêter une fois par semaine ; personne ne m'a aidé. J'avais des professeurs de français qui lisaient mes textes, mais personne ne m'a dit que j'avais un talent particulier pour l'écriture et qu'il fallait que je l'utilise. C'est cette forme d'ignorance que j'ai essayé de résumer dans la scène, avec Germain Houde. J'étais un fils d'ouvrier. Personne n'a mis en doute l'idée que je serais plus tard un ouvrier moi aussi. Avec les orientateurs, je me souviens d'avoir fait l'école du meuble de Saint-Henri, et l'école de mécanique automobile. Si j'avais un bon comportement et de bonnes notes, le plus beau métier qu'on me proposait, c'était typographe ou pompier ; les carrières du siècle ! Personne ne m'a dit que si j'écrivais, il faudrait peut-être penser à autre chose. Aujourd'hui, on parle beaucoup de l'éducation, mais personne ne dit une chose : les profs sont ennuyants.

On ne trouve aucun acteur professionnel au générique de Léolo, sauf Julien Guiomar. Ecrire un scénario et aller chercher Pierre Bourgault et Ginette Reno, il fallait le faire.
Je le sais mais ce n'était pas un pari. Tous les visages qu'on voit dans Léolo devaient y être. Ce sont les personnages tels quels. Pierre avait vraiment la tête du personnage que je voulais. J'avais déjà fait une pub sur la langue française avec lui : c'est formidable de travailler avec lui. Le seul dont j'avais un peu peur au début, parce que je le connaissais un peu et je le trouvais un peu bougonneux, c'est Julien Guiomar. Mais c'était complètement injustifié parce qu'il a été incroyablement coopérant.

Ginette Reno est étonnante dans la scène de la dinde.
La scène avec la dinde, c'était très drôle. Ma productrice - qui avait évidemment lu la scène où le petit gars annonce que sa mère a gagné une dinde au cinéma - imaginait une dinde congelée, enveloppée dans du plastique. Quand elle a vu la vraie dinde dans la baignoire, elle n'en croyait pas ses yeux ! Et Ginette, là-dedans, est fantastique. Elle a fait tout ce que je lui demandais, tout, même si ça a été difficile de la convaincre au début ; elle s'est donnée totalement. Même si elle est d'une grande fragilité, elle m'a donné toute sa confiance. Pour moi, c'est une star, une grande star. Toute l'équipe était en amour avec elle. C'est sûr que ça a été très dur pour le jeune comédien, Maxime, parce qu'il est là tout le temps. Au total, il n'y a vraiment pas eu un mot plus haut que les autres entre les acteurs et moi. Le culturiste, qu'on a choisi parmi soixante dix candidats, n'est pas un acteur, il n'a jamais joué de sa vie. Et le père, qu'on a déjà entrevu à la télévision, c'est un imprimeur amateur d'opéra qui n'a fait que quelques films publicitaires.

Laisses-tu un peu de liberté aux acteurs ?
Non, aucune. Il n'y a absolument rien d'improvisé dans le film.

Tout est déjà précis, pensé et calculé. Comment fais-tu pour obtenir la réaction que tu veux, comme celle de Ginette Reno dans la scène de l'accouchement ?
Ginette est une femme de spectacle. Il faut dire que c'était plus facile avec elle, à cause de son expérience scénique, qu'avec le frère ou les enfants, qui étaient plus mécaniques. Mais le cinéma est un mensonge ; on peut demander des réactions mécaniques à l'acteur, qui ne sait même pas ce qu'il est en train de faire. Ce qui, plus tard, dans la juxtaposition des images, donne l'émotion recherchée. On me dit des fois que je suis un bon metteur en scène mais pourtant j'ai l'impression de faire très peu. Je pense que lorsque tu aimes les gens, les gens te donnent beaucoup en échange. Il y a une ambiance très spéciale sur mes plateaux de tournage qui pousse les acteurs, les techniciens, tout le monde, à se dépasser.

Ca doit être assez exceptionnel comme atmosphère.
Quand j'entre sur le plateau, je sais ce que je vais faire. Je fais très peu de recherche au tournage. Peut-être dix minutes de discussions sur la mise en place, mais pas plus. Je fais beaucoup de petits dessins et de photos. Normalement, les tons et l'atmosphère sont déjà déterminés. Lise Lafontaine n'avait jamais produit de longs métrages. Mais elle a été d'un support extraordinaire ; j'ai beaucoup aimé faire Léolo avec une femme parce qu'il n'y a jamais eu de lutte de pouvoir.

La recherche de l'esthétique est très importante chez toi. D'où vient-elle ?
Je commence à réaliser aujourd'hui que j'ai de la facilité à visualiser les choses. Depuis que je suis très jeune. Peut-être parce que je rêve ? Même éveillé, les images me viennent sans difficulté. L'équilibre esthétique est très important. C'en est même "obsessif-compulsif". Je ne peux pas dire que je lise beaucoup ou que j'aille beaucoup au spectacle. Je trouve mon inspiration ailleurs. Je vis. C'est tout. Monter dans mon avion, partir en forêt, passer le plus de temps possible à la chasse ou à la pêche. L'année dernière, je suis allé jusqu'à la Baie James. Cette année, je veux aller en Alaska avec mon avion. Je suis beaucoup plus en contact avec la vie qu'avec la culture. Je fréquente peu les musées. Par contre, la musique est très importante dans ma vie. Pour Léolo, j'ai fait une recherche musicale d'à peu près deux ans pour chacune des scènes. La moitié de la musique qui est dans le film était écrite dans le scénario. J'ai besoin de la musique avant d'écrire.

Des airs retenus ?
C'est peut-être un peu simpliste comme explication, mais je sens les choses. Je ne me pose pas de questions. Je ne suis pas quelqu'un de raisonnable ; je suis extrêmement émotif. Je sens les choses et je fais ce que je sens.

L'instinct ?
Absolument. Pour moi en tout cas. J'agis par instinct et m'interroge de moins en moins sur les images qui m'obsèdent. Je ne les choisis pas. Je suis sûr que ça arrive à tout le monde, mais chez moi ça devient complètement obsessionnel et ce qui est absolument extraordinaire dans le cinéma, c'est qu'une fois mises en image, ces images ne reviennent plus jamais. C'est drôle mais je pense que si tout le monde pouvait faire des films, ça irait mieux sur la planète. Ca libère le cerveau et ça laisse une nouvelle place pour autre chose. Je me suis vraiment senti épuisé après le Zoo, au point d'avoir l'impression de ne plus jamais être capable de faire de films. Et puis j'ai fait Léolo, et je suis une fois de plus vidé.

Pas au point de ne jamais faire un autre film ?
C'est l'impression qu'on a quand on a fini un tel projet. On est vidé en tout cas des images de ce moment-là de notre vie. Kurosawa disait que l'imagination, c'est comme des petits drapeaux : plus on en tire, plus il y en a qui sortent. C'est peut-être ça. Mais Léolo m'a fait énormément de bien, c'est certain. Le film m'a enlevé beaucoup d'agressivité. Je ne dis pas que le gouvernement canadien devrait payer des thérapies en finançant des films, mais il y a quand même quelque chose là-dedans. Je pense que Fellini, Woody Allen, Kubrick sont, d'une certaine façon, des grands malades. C'est sûr qu'un artiste réussit à faire des choses que beaucoup de gens font sur le divan d'un psychiatre.

Quelles sont tes impressions une fois Léolo terminé ?
Léolo est un film qui me ressemble beaucoup, dont je me sens responsable et dont je suis fier. C'est bien aussi de l'avoir fait avec des femmes comme Aimée Danis et Lise Lafontaine. La relation réalisation/scénarisation/production au Canada a été complètement différente. Lise Lafontaine a compris que pour me faire fonctionner, il faut absolument éviter de me confronter. Si on me confronte, je deviens un mur de béton et je peux même être auto-destructeur. Lise n'a jamais essayé de me casser parce qu'elle savait que ça ne marcherait jamais.

Comment définirais-tu le monde de Léolo ?
C'est en partie autobiographique et ça a décollé vers autre chose de plus fou. Je n'ai jamais habité avec mon grand-père et je n'ai jamais essayé de le tuer ! Je n'ai jamais eu de "blonde" italienne non plus. Avec Léolo, j'ai raconté un grand mensonge à partir d'une grande vérité.

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