Interview de Katia Von Garnier concernant BANDITS

Interview de Katia Von Garnier concernant BANDITS

Entre “Abgeschminkt” et votre nouveau film “Bandits”, trois années se sont écoulées. Un laps de temps relativement long. C’est vrai. Comme Ewa et moi avions auto-produit “Abgeschminkt”, nous avons dû assumer le travail qui en découlait l’année suivante : festivals, distribution mondiale, etc… Cela représentait beaucoup de travail pour deux personnes. Par la suite, j’ai quelque peu jonglé avec les offres de scripts. Comme aucun ne m’emballait vraiment, je me suis mise à l’écriture.

Quels étaient vos critères prédominants ?

J’ai opté pour un film musical. J’avoue que “Hair” est mon film favori depuis toujours et à ce jour, rien n’a pu le détrôner. J’avais également envie de travailler à nouveau avec Katja (Riemann). Puis, avec Ben Taylor, déjà co-auteur de “Abgeschminkt”, nous avons tracé les grandes lignes de notre nouvelle histoire : quatre femmes en taule, un groupe musical, un bal de la police, une évasion, une prise d’otage, etc… Durant une fête, j’ai pu observer Coco et Jasmin danser ensemble. Les deux ont dégagé une telle énergie, qu’il fallait absolument la capter dans le film. Avec Uwe Wilhelm, on a commencé à écrire un script sur mesure pour ces trois filles. Il nous restait encore à trouver la quatrième.

Jutta Hoffmann vous a donc rejoint plus tard ?

C’est exact. Pour le rôle de Marie, je cherchais une actrice plus mûre, qui crève l’écran. Une personnalité rayonnante mais toujours en parfaite harmonie avec les trois autres. Je me suis réjouie d’avoir pu engager Jutta pour ce rôle.

Dans “Bandits”, tout tourne autour de la musique. Est-ce un film musical ?

Oui. Mais pas dans le sens habituel du terme. Dans “Bandits”, c’est le mélange des genres. Du drame et de la musique. On pourrait en quelque sorte parler de drame musical. Personnellement, je suis fascinée par les films de héros, et en développant ce script, je me suis beaucoup penchée sur la mythologie. J’essayais de comprendre en fin de compte ce qui fait l’étoffe d’un héros. Les personnages dans notre film devaient être plus grands que nature. De vrais personnages de cinéma.

Quelle est la fonction de la musique dans “Bandits” ?

Pour les prisonnières, elle représente le souffle qui leur permet de gérer le cumul des sentiments. La colère, la haine et le désespoir. C’était l’idée de base du film. De la musique comme échappatoire. C’est comme un pont sur lequel ces femmes se retrouvent. Je me suis demandé pourquoi, dans ma vie de tous les jours, la musique me fascine à ce point ; je pense qu’elle permet de surpasser les moments de morosité, voir de transformer la tristesse en événement.

Est-ce pour mieux faire ressentir la musique que l’on perçoit plusieurs passages du film comme des vidéo-clips ?

Il va de soi que la combinaison du son et de l’image dépend de l’un et de l’autre. C’est la musique qui définit le rythme. Même sans MTV, “Bandits” aurait eu ce style. Dès le départ, nous voulions faire un film moderne. Je ne renie pas les vidéo-clips. D’ailleurs, j’adore les regarder et j’y découvre souvent des choses passionnantes.

Dans “Bandits”, vous vous êtes lancée pour la première fois dans le tournage de scènes d’actions ?

Pendant le tournage sur le pont de Köhlbrand, je n’ai pas cessé de penser à un chapitre du livre “Das Hollywood Geschäft” (le business d’Hollywood) de William Goldman, lorsqu’il décrit le tournage sur le pont d’Arnheim. On a vécu à peu près la même chose. Nous étions aussi la première production à avoir la permission d’y tourner. Cela impliquait évidemment pas mal d’inconvénients horaires et techniques. On nous accordait en tout et pour tout un jour et demi de tournage pour réaliser une tonne de scènes compliquées. Nous devions notamment achever en une seule journée le tournage d’une cascade, un trajet compliqué avec une grue, deux explosions et par dessus tout il fallait absolument mettre en boîte une scène où les filles se trouvaient à l’extérieur du parapet. Pour chaque scène d’explosion, nous ne disposions que de six minutes. Un ratage et je les perdais. C’était à la guerre comme à la guerre. Chaque instant devait être méticuleusement planifié. Deux unités tournaient en même temps. Inimaginable si on regarde le montage aujourd’hui. Explosions, prises d’assauts, séquences d’hélicoptères… Le tout en deux fois six minutes !

On dit souvent que le second film est le plus difficile. Cela vous a-t-il inquiété ?

Peut-être, si j’avais immédiatement enchaîné après “Abgeschminkt”. Mais entre les deux, il s’est passé quand même pas mal de temps…

Pour “Bandits”, vous avez bénéficié d’un budget relativement important. Est-ce que cela vous a permis de réaliser tous vos désirs ?

Peu importe la somme dont on dispose, je suis persuadée qu’on pense toujours ne pas en avoir assez. Bien sûr, on se sent responsable vis-à-vis des financiers qui vous font confiance et qui ont investi beaucoup dans un projet. Nous avons tout mis en oeuvre pour réaliser un film pour le grand écran avec des sentiments extrêmes et un look adéquate. Cela demandait à chacun de fournir un travail de pionnier. Techniquement parlant, un film musical n’est pas si aisé à réaliser. J’ai eu de la chance avec Olga Film. Ils ont totalement cru à ma vision du film. Je suis persuadée que le film fini reflète chaque centime investi.

Actuellement, il y a de plus en plus de films allemands qui récoltent un véritable succès. N’est-ce pas plutôt encourageant ?

Chaque succès cinématographique allemand m’enchante. C’est le meilleur argument pour inciter les financiers à investir dans le talent local. Qui sait, cela peut permettre une production plus importante de films plus largement distribués.