L’ALGÉRIE À L’ÉPREUVE DU POUVOIR

L’ALGÉRIE À L’ÉPREUVE DU POUVOIR

Pourquoi avez-vous souhaité mettre en perspective ce demi-siècle d’histoire de l’Algérie indépendante ?
Hervé Bourges : Aucun film n’avait encore été tourné sur cette période. Mon ambition a été de m’inscrire dans une première démarche historique et patrimoniale avec l’intention de montrer, raconter, interroger, confronter, en m’interdisant de juger. Il m’a semblé intéressant de permettre aux jeunes générations, en Algérie et en France, de mieux appréhender cette page d’histoire, marquée par tant de bouleversements.

Comment avez-vous choisi vos intervenants ?
H. B. : Par choix éditorial, tous les intervenants du film – que, par mon parcours, je connais presque tous – sont algériens. Certains ont été ou sont au pouvoir, dans l’opposition ou dans la société civile. J’ai eu la chance de recueillir ou de retrouver les témoignages de personnalités de premier plan.

Où avez-vous puisé les nombreuses images d’archives qui racontent aussi cette histoire ?
H. B. : Nous avons eu accès à des images qui sont, pour une grande part, inédites. Avec Jérôme Sesquin, le réalisateur du film, nous avons fait nos choix dans les archives françaises de l’INA et de l’ECPAD, européennes de la RTBF et de la TSR, arabes, notamment d’Al-Jazira, américaines de la Nara et auprès de la cinémathèque de Belgrade. Nous avons également puisé dans les archives mises à notre disposition par l’ENTV, la télévision algérienne, et par des sociétés de production privées du pays.

Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par l’Algérie depuis son indépendance ?
H. B. : L’indépendance, au prix de la lutte de tout un peuple, reste pour l’Algérie une conquête historique inestimable. Pourtant, ces cinquante années sont pour elle une durée infime au regard des vingt-trois siècles de son histoire, qui ont vu Berbères, Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Almoravides, Arabes, Turcs et Français se disputer cette terre d’exception. On peut oser une comparaison entre ce demi-siècle et ce que fut 1789 pour la France. Rappelons-nous ainsi que la Révolution française a été suivie par la Terreur, la Restauration, deux contre-révolutions impériales, des massacres, et qu’il a fallu près d’un siècle pour proclamer la République. L’Algérie indépendante n’en est qu’à ses premiers pas…

Quel futur lui voyez-vous se dessiner ?
H. B. : L’Algérie, méditerranéenne, arabo-berbère et musulmane, est un acteur essentiel et incontournable d’un monde en pleine évolution. C’est un pays aux richesses inégalement réparties, avec une population majoritairement jeune et féminine, de plus de 37 millions d’habitants, dans un territoire immense. Son taux de croissance de 3,5 %, son pétrole, son gaz, son électricité, ses transports, son agriculture diversifiée lui permettent de fonder de grands espoirs de développement économique. La société algérienne a traversé des années terribles, confrontée au terrorisme fondamentaliste et à la violence. Elle a résisté. Mais maintenant les jeunes générations attendent qu’on s’intéresse à elles ; elles rêvent d’horizons nouveaux et souhaitent que « la légitimité populaire se substitue à la légitimité révolutionnaire ».

Et les relations entre la France et l’Algérie ?
H. B. : Nous n’avons pas le pouvoir d’abolir le passé mais le devoir de le connaître et de dépasser la radicalité de la guerre des mémoires. L’Algérie et la France gagneront à évacuer leur double ressentiment. Nos deux peuples sont assez mûrs pour regarder ensemble vers l’avenir.

Propos recueillis par Christine Guillemeau

http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/LE-MAG-N-40-2012/articles/p-16745-L-Algerie-a-l-epreuve-du-pouvoir-1962-2012.htm