Note d’intention de Marco Brenta concernant BARNABO DES MONTAGNES

Note d’intention de Marco Brenta concernant BARNABO DES MONTAGNES

“Il y a une question à laquelle on aimerait n’avoir jamais à répondre : pourquoi ce film ?”.

Tôt ou tard cependant – et cela semble vraiment inévitable – le moment vient, et alors on s’échine à trouver une réponse. On cherche en général à ramener le sens profond du film à une présumée et vague universalité des valeurs, contre laquelle il n’y a rien à objecter, tant qu’il s’agit de se mettre la conscience en paix, mais qui ne vaut qu’en surface : car en réalité, on ne réussit pas à aller au delà des évidences, des banalités. Tout un chacun (celui qui réclame une réponse et celui qui livre une réponse) se donne pour satisfait à sa façon et se congratule avec l’autre, par une sorte d’entente complice, d’avoir ainsi échapper au péril : Dieu merci, tout est resté en l’état! Ce film, BARNABO DES MONTAGNES, ne devrait pas, lui non plus, échapper à la règle.

Mais si l’une des parties ne voulait pas, admettons, respecter cette règle ? Si celui qui est mis en demeure de répondre interprétait la question de façon autre ? “Pourquoi le cinéma, et pourquoi ce film ?”, par exemple.

Pourquoi le cinéma ? Pour prolonger le jeu jusque dans la vie, pour créer à travers une réalité illusoire (celle du film) la perception d’une réalité qui n’est pas illusoire (celle de la vie). Pour exorciser la réalité, en définitive, à travers l’illusion de toute-puissance de l’auteur, l’auteur qui, à sa guise, tresse les fils de l’histoire et tire les fils de ses personnages. Si l’illusion du film fonctionne vraiment, elle convainc le spectateur que le film n’est pas illusion.

Pourquoi ce film ? Pour la raison exactement contraire, au fond. Non pas tant pour faire revivre purement et simplement l’aventure de Barnabo sur l’écran, que pour la vivre à la première personne dans une sorte de parallélisme entre raconter et faire le film comme s’il s’agissait d’un même texte, écrit mais ouvert. Abandonner par conséquent la sécurité de la convention, de la prétendue toute-puissance de l’auteur, pour se mesurer à la découverte du monde vrai des personnages et de leur contexte. S’exposer aux mêmes risques que le personnage Barnabo, en se confrontant à une réalité qu’il est difficile de dominer, pour en percevoir les signaux et chercher à les réorganiser sans les ramener à une réalité différente, étrangère, à laquelle ils n’appartiendraient pas. En définitive se mettre en jeu et, comme Barnabo, mettre en compte aussi la possibilité de l’échec et le prix que cela comporte : accepter l’erreur, et aussi l’expiation de l’erreur, si cela doit servir à mieux comprendre les choses. Accepter de raconter une fable avec les codes de la réalité… même si cela peut sembler n’être qu’un jeu pervers…