William Karel revient sur les mille premiers jours de la présidence américaine

William Karel revient sur les mille premiers jours de la présidence américaine

France 2 Bush, la «marionnette»

Ça commence fort. En guise de préambule, avant même le générique, Norman Mailer attaque : George W. Bush est «le pire président de l’histoire des États-Unis. Il est ignorant, arrogant (…), un crétin». L’écrivain est suivi par Robert Steele, ancien agent de la CIA : «Nous avons élu un président marionnette.» Pendant 90 minutes, les témoins se succèdent, vingt-six au total, pour conforter et étayer ces opinions, dans un nouveau documentaire coup de poing de William Karel (auteur, notamment, de CIA guerres secrètes et des Hommes de la Maison-Blanche). Une véritable essoreuse, qui tourne en superpuissance pour dresser un portrait implacable de l’Administration américaine : corruption, mensonges, manipulations… Et un chef d’État qui semblerait totalement dépassé par les événements, souvent au courant de rien, devenu président des États-Unis sans savoir pourquoi, en remportant «les élections les plus controversées de l’histoire des États-Unis» en janvier 2001.

Diatribe anti-Bush ? Film activiste à la manière d’un Michael Moore ? «Non !, rectifie William Karel, qui réalise avec ce Monde selon Bush (1) un cinquième documentaire sur les coulisses du pouvoir américain. Michael Moore, lui, s’est donné une mission avec ses films militants, notamment avec le dernier, Farenheit 9/11 : empêcher la réélec tion de Bush. Ma démarche n’est pas la même. J’ai voulu raconter une histoire, faire l’autopsie des mille premiers jours de la présidence de Bush à travers les propos d’intellectuels, de journalistes, d’anciens de la CIA, de politiques… Je n’ai jamais pris position dans mes commentaires, ajoutés pour préciser un fait. Pour autant, ce n’est pas un documentaire objectif puisque j’ai choisi les morceaux que je gardais. Parfois un témoin me parlait pendant une heure ou deux et je n’ai gardé que trois ou quatre minutes d’interview…»

Pour réaliser son film, William Karel s’est basé sur les deux enquêtes du journaliste Éric Laurent, publiées chez Plon (La Guerre des Bush et Le Monde secret de Bush). «J’ai trouvé ses livres passionnants, dit le réalisateur. Et quand Jean-François Lepetit et Agnès Vicariot (Flash Film) m’ont proposé de l’adapter, j’ai tout de suite accepté. Sachant que bien évidemment j’allais trahir Éric Laurent. Il avait écrit 500 pages, et 90 minutes de téléfilm ne représentent qu’une trentaine de pages !» William Karel a choisi de développer certains points précis des ouvrages d’Éric Laurent, comme la politique de Bush à l’égard d’Israël, son soutien indéfectible à Ariel Sharon et sa folie de la religion – il bénit et prie dans chacun de ses discours et encourage son gouvernement à faire de même, dit qu’il a rencontré Dieu, que la foi a changé sa vie et encore : «Je suis investi d’une mission divine, promouvoir une vision biblique de la politique menée par les États-Unis»…

Le réalisateur est également allé plus loin en développant des faits nouveaux – les livres du journaliste s’arrêtent avant la guerre en Irak. On découvre, par le biais des témoignages qu’il a recueillis, la volonté de l’Administration Bush – pour en finir avec Saddam Hussein –, de lui faire endosser la responsabilité des attentats du 11 septembre en créant un lien fictif entre le dictateur et al-Qaida. On découvre aussi le rapport «Patriot Act», concocté par un membre du ministère de la Justice, Viet Dinh, et pointé du doigt par le Centre pour l’intégrité publique : on demande aux Américains de se transformer en délateurs, «vingt-quatre heures sur vingt-quatre».
Et que dire de cette information sidérante ? : le 11 septembre 2001, à Washington, avait lieu, au Ritz-Carlton, l’assemblée générale du fonds d’investissement Carlyle en compagnie du frère d’Oussama Ben Laden… pour qui a ensuite affrété un Boeing afin qu’il puisse regagner l’Arabie saoudite avec sa famille, alors que l’espace aérien était strictement fermé.

Le documentaire de William Karel regorge d’informations et de faits troublants, notamment sur le passé et les liens du grand-père de Bush avec les nazis… «Je suis le dernier naïf à croire que Bush ne sera pas réélu…», dit le réalisateur. Malheureusement, son excellent documentaire ne sera sans doute pas diffusé aux États-Unis pour donner du grain à moudre aux Américains qui sont de plus en plus nombreux à souhaiter la même chose.

(1) Le documentaire sort en salles mercredi prochain et en DVD le 1er juillet (éditions Montparnasse).

«LE MONDE SELON BUSH», France 2, 22 h 35

Isabelle Nataf

18-06-2004