ABUS DE FAIBLESSE : BREILLAT SIGNE UN FILM BRILLANT ET PERVERS

ABUS DE FAIBLESSE : BREILLAT SIGNE UN FILM BRILLANT ET PERVERS

D’”Abus de Faiblesse”, inspiré par la propre histoire de Catherine Breillat (victime d’un AVC, elle s’est laissée duper, au moins financièrement, par l’escroc Christophe Rocancourt), on pouvait craindre le pire : un film qui carbure au ressentiment et à l’impudeur, perclus des pires travers formels du biopic à la française. Et puis non, passée une introduction lourdement démonstrative (AVC, déchéance, retour à la vie, tout cela emballé dans une froideur clinique aussi complaisante et calibrée que le pire des mélos lacrymaux hollywoodiens), la cinéaste trouve l’équilibre idéal dès qu’elle entre dans le vif du sujet.
De l’affrontement vénéneux d’Isabelle Huppert (dans un rôle-clone de Breillat) et du bonimenteur visqueux Kool Shen (excellent), il résulte alors un mélange de violence rentrée, de mépris de classe et de menaces verbales épouvantables (“on va te faire sécher dans une cave”) qui par-delà la logique de l’escroquerie qui préside à l’ensemble, resserre les deux personnages dans une relation indéfinissable, tangente, où perversité, sidération et affects se donnent la main. C’est ce halo de mystère, remarquablement entretenu par la mise en scène, qui confère au film grandeur et étrangeté.