LES GARÇONS DE ROLLIN

LES GARÇONS DE ROLLIN

“Et moi, qu’aurais-je fait?” s’interroge le réalisateur en conclusion de son documentaire. Aurait-il suivi Bloncourt, Laler et Gélinet dans la résistance ou aurait-il pris, gare de l’Est, le train de la Waffen-SS en direction de l’Allemagne nazie comme l’a fait Jacques Frantz ? Claude Ventura, à quinze ans près, aurait pu être un des leurs. Un de ces jeunes garçons de 14, 15 ou 16 ans qu’on n’appelait pas encore des “adolescents”, passés trop rapidement de l’enfance à l’âge adulte et, pour certains, “de la photo de classe à la photo anthropométrique”. Ces garçons sont ceux du lycée Rollin, à Paris, rebaptisé Jacques-Decour à la Libération, nom de résistant de Daniel Decourdemanche, fondateur des “Lettres françaises” et professeur d’allemand fusillé au mont Valérien le 30 mai 1942.

Sur les photos de classe et dans les épais registres jaunis de l’établissement se dessinent des vies parfois très tôt interrompues. Celle de Claude Lalet, fusillé à Chateaubriand avec Guy Moquet en 1941; celle de Charles Schönhaar, fils d’un député communiste assassiné par la Gestapo, fusillé à 17 ans en avril 1942 après une tentative d’attentat contre l’exposition “le Bolchévisme contre l’Europe” Salle Wagram, à Paris. Ou encore celle de Norbert Bernheim, juif mort à Auschwitz en 1943 et dont la dernière lettre jetée du train qui l’emmenait vers l’Est narrait avec l’humour du désespoir: “Maintenant, je suis vraiment dans la merde, c’est-à-dire un wagon à bestiaux.”

Le 11 novembre 1940, lycéens communistes, chrétiens de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) ou fascistes de la JPF (Jeunesse populaire française, émanation du Parti populaire de Doriot), rassemblés sur la même photo de classe, avaient tous répondu au mot d’ordre des Etudiants de France et manifesté contre l’occupant: “Solidaires pour que vive la France!”

Anne Sogno